Mais il ressemble à tant de gens sortis de la fange, qui s’élèvent bientôt par leur mérite, & font oublier ce que leur origine a de vil & de bas. […] si j’oubliais de t’accorder les éloges qui te sont dus, la France jetterait un cri d’indignation ; elle m’accuserait de taire par envie les vertus des grands-hommes.
L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang-froid, de dire autre chose que ce qu’on pense, aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place à force de prendre celle d’autrui. […] Elle quitte, en atteignant la coulisse, la morale du théâtre, aussi bien que la dignité ; et, s’il était vrai qu’on prît quelquefois des leçons de vertu sur la scène, on va bien vite les oublier dans les foyers.
Autant vaudrait la manie de ces Auteurs du siècle passé, qui vous décrivaient tout un Palais & ses Jardins, sans oublier le moindre fronton, ni le moindre arbuste.
Imagine avec quelle surprise, mêlée de joie, j’ai vu, en achevant de lire, que monsieur D’Alzan est un honnête-homme, qu’un goût passager a surpris ; qui se l’avoue, reconnaît ses torts, & cherche à intéresser à son retour vers toi jusqu’à la vanité de celle qui lui a trop plu… Elle veut s’immoler… Elle n’est donc pas… Tu as oublié de me la nommer : mais je la crois une Actrice.
On va, selon vous, s’isoler au spectacle, on y va oublier ses proches, ses concitoyens et ses amis. […] Combien de moments dans la vie où l’homme le plus vertueux oublie ses compatriotes et ses amis sans les aimer moins ; et vous-même, Monsieur, n’auriez-vous renoncé à vivre avec les vôtres que pour y penser toujours ? […] Vous convenez que c’est l’objet de nos Tragédies ; mais vous prétendez que l’objet est manqué par les efforts même que l’on fait pour le remplir, que l’impression du sentiment reste, et que la morale est bientôt oubliée. […] Essayons néanmoins, pour les apprécier avec justice, sans adulation comme sans humeur, d’oublier en ce moment combien leur société est aimable et dangereuse ; relisons Epictète avant que d’écrire, et tenons-nous fermes pour être austères et graves. […] Sans force de corps, sans talents, sans étude qui puisse les arracher à leurs peines, et les leur faire oublier quelques moments, elles les supportent néanmoins, elles les dévorent, et savent quelquefois les cacher mieux que nous ; cette fermeté suppose en elles, ou une âme peu susceptible d’impressions profondes, ou un courage dont nous n’avons pas l’idée.