Mais son opinion est bien expliquée et bien soutenue ; il n’oublie rien de ce qui peut servir à sa cause, et à quelques endroits près, cette dissertation est fort raisonnable ; mais je ne sais s’il était expédient de la faire imprimer.
Nous n’exigeons point d’elles, sur le Théâtre, un étalage intéressé de leurs charmes ; mais un jeu vrai, & un air qui convienne de tout point aux rôles qu’elles représentent. » Dès qu’on ne voit que L’Actrice, on oublie le personnage, & la Pièce manque son but. […] Disons plus ; si le spectateur a lieu de soupçonner que ce que dit l’Acteur, ne s’accorde pas avec sa conduite ; cette dissonance lui fait aussitôt oublier le personnage, pour ne s’occuper que du Comédien.
Votre conseil, Mademoiselle, n’oublie rien pour vous rassurer, il prélude par un étalage de sa suffisance, estimant son mémoire digne de l’attention de tout l’Univers. […] J’aime mieux attribuer au défaut de mémoire l’omission que je vous reproche : vous avez oublié une partie du Cathéchisme que vos parens chrétiens n’ont pas négligé de vous inculquer dès l’enfance ; ce grand nombre de Vers que vous sçavez par routine se trouveroit embarrassé des maximes de notre sainte Religion ; c’est un contraste qu’on ne peut soutenir long-temps, & l’on retient plus volontiers les choses dont le poids est moins pénible.
Ils veulent être remués, agités, vivement excités, à condition toutefois que ce ne soit pas en leur inspirant des remords, en faisant porter leur terreur et leur pitié sur leur propre misère, mais seulement en les attachant à de vaines fictions, où l’ombre qu’ils poursuivent puisse leur faire oublier la réalité ; où on les intéresse par le spectacle de passions et de malheurs qui ne soient ni trop loin d’eux ni trop près, et qu’ils puissent envisager sans un retour douloureux et pénible sur leur propre cœur ; à condition encore que, si on veut les forcer à rire de leurs propres faiblesses, ce soit sans ôter à leurs passions les espèces de dédommagements qui leur importent le plus sans faire souffrir leur orgueil, si ce n’est peut-être dans la peinture de quelques vices que tout le monde abhorre, et qu’on charge si bien que personne ne peut s’y reconnaître. […] La douceur du poison leur en fait oublier les suites funestes ; ils ne voient plus rien de honteux dans les passions, dès qu’elles ont été déguisées et embellies par l’art ; et, à force d’admirer et d’applaudir, ils y apprennent à ne rougir de rien am.
Si les « Baladins » avaient le talent de faire oublier au Peuple ses misères ; si une Nation, accablée d’un joug trop rigoureux, trouvait dans le spectacle un soulagement à ses maux, ne serait-ce pas le plus grand des biens pour cette Nation ? […] Si l’intention des Auteurs était de faire oublier ses Chefs au Peuple : si ces Chefs secondaient cette intention, pour faire oublier leurs manœuvres, ils seraient, les uns et les autres, bien maladroits, puisque tous nos Poèmes ne pourraient qu’opérer précisément le contraire. […] Les Dames Romaines, les jeunes Sénateurs s’oublièrent jusqu’à rendre l’hommage le plus éclatant aux Acteurs : ils les conduisaient, comme en triomphe, du Théâtre à leur logis : on leur faisait enfin des honneurs qu’on n’accordait qu’à peine aux Chefs et aux défenseurs de la République. […] L’art de se contrefaire, de revêtir un autre caractère que le sien, de paraître différent de ce qu’on est, de se passionner de sang-froid, de dire autre chose que ce qu’on pense aussi naturellement que si on le pensait réellement, et d’oublier enfin sa propre place […]. »fl Qu’est-ce que le talent d’un Corneille, d’un Molière, d’un Crébillon, d’un Voltaire ? C’est de se passionner de sang-froid dans leur Cabinet, d’écrire autre chose que ce qu’ils pensent aussi naturellement que s’ils le pensaient réellement, et d’oublier enfin leur propre place.