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53. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

Il est même si incompréhensible, qu'il fait par un étrange renversement, que ces portraits deviennent souvent nos modèles, et que la Comédie en peignant les passions d'autrui, émeut notre âme d'une telle manière qu'elle fait naître les nôtres, qu'elle les nourrit quand elles sont nées, qu'elle les polit, qu'elle les échauffe, qu'elle leur inspire de la délicatesse, qu'elle les réveille quand elles sont assoupies, et qu'elle les rallume même quand elles sont éteintes. […] Cette estime pour Comélie que le Poète a voulu donner en cet endroit aux spectateurs, après l'avoir conçue lui-même, vient du fonds de cette même corruption qui fait regarder dans le monde comme des enfants mal nés et sans mérite, ceux qui ne vengent pas la mort de leur Père, ou de leurs parents, en sorte que le public attache souvent leur honneur à l'engagement de se battre contre les meurtriers de leurs proches ; qu'on les élève dans de si horribles dispositions, et qu'on mesure leur mérite à la correspondance qu'on trouve en eux aux sentiments qu'on prétend leur donner, que ces sortes de représentations favorisent encore d'une manière pathétique, et qui s'insinue plus facilement que tout ce qu'on pourrait leur dire d'ailleurs. […] C'est pour cela que l'Ecriture nous apprend que la vie de l'homme sur la terre est un combat continuel, parce qu'il n'a pas plus tôt terrassé un ennemi, que cette défaite en fait naître un autre dans lui-même, et qu'ainsi la victoire n'est pas moins à craindre pour lui que ses pertes ; c'est avec ces armes que la chair fait cette cruelle guerre à l'esprit qui ne peut vivre qu'en mortifiant les passions de la chair : elles appartiennent à cette loi de mort qui s'oppose continuellement à la loi de l'esprit, et c'est pour cela qu'on ne peut être parfait Chrétien, que ce corps de péché ne soit détruit, que l'Homme céleste ne règne, et que le vieil homme ne soit crucifié.

54. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

L’amour le plus pur perd sur le théatre son innocence, en faisant naître des idées corrompues dans le spectateur le plus indifférent. […] Je ne pense pas que l’homme naisse bon ou mauvais, & reste toute la vie tel qu’il est  ; le vice & la vertu sont en partie l’ouvrage de l’éducation, des instructions & des exemples. […] Louis les ont chassés de la France, Philippe-Auguste leur a rien accordé, Cosme III les bannit de la Toscane. […] Les violens transports qu’elle fait paroître à l’occasion de la mort de son amant sont indécens dans une fille bien née, blessent également les sentimens qu’on doit à sa patrie, & ceux qu’inspire la bienséance.

55. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VII. De l’infamie canonique des Comédiens. » pp. 153-175

Que peut-il résulter de ces mariages, qu’une perpétuité de vice dans les enfants qui en naîtront, qui seront élevés dans le désordre de leurs pères ? […] Elle ne sera pas plus déshonorée quand le mariage sera déclaré nul, elle rentrera dans ses fonctions, qui n’ont été que peu de temps interrompues. » Pour répondre au mémoire injurieux qu’elle répandit contre son mari, il lui dit : « Que peut-on attendre d’une Baladine née dans le sein du vice, qui voudrait rendre égal à elle celui qu’elle veut faire passer pour son mari ? […] Ces procès ont fait naître deux questions de droit importantes. 1.° Les Comédiens de province sont des vagabonds qui courent de ville en ville ; ils n’ont point de domicile fixe, ils sont habitants de la terre ; leur demeure, comme la scène de la pièce, est partout ; ils n’ont point de propre Curé. […] Les collatéraux, sans convenir qu’elle fût véritablement fille de Scaramouche, ce que la prostitution de la mère et les variations du père pouvaient rendre douteux, avançaient que quand elle le serait, la légitimation était impossible, sur ce principe certain dans l’un et l’autre droit, que le mariage subséquent ne peut légitimer des enfants, si dans le temps de leur naissance les deux époux n’étaient libres, en état de se marier ensemble ; que Scaramouche étant marié quand cet enfant naquit, c’était un enfant adultérin, incapable d’être jamais légitimé. […] M. l’Avocat général traite savamment la question de droit, et démontre ce grand principe qu’il n’y a que les enfants nés ex soluto et soluta, qui puissent être légitimés par le mariage subséquent, même avec la bonne foi d’une des parties, ce qui n’était pas ici, puisque les deux se connaissaient parfaitement, et n’étaient que des débauchés (L.

56. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

quand ils en manqueraient pour elles : car les âmes bien nées sont équitables envers autrui, quelque injuste qu’on puisse être à leur égard. […] Horace dit encore, que le Chœur doit naître de la matière du Poème, et appuyer le dessein de chaque Acte ; qu’il doit se déclarer le défenseur de la vertu, et du respect dû à la Religion. […] Un plaisir, quelque charme qu’il ait, est indigne de nos poursuites, si tôt que c’est du désordre qu’il naît. […] Que votre Empereur soit un tyran, cela est manifeste ; car vous êtes nés Turcs et il a été un vrai Turc à votre égard. […]  » « Madame, répond cet homme de bon sens ; c’est un talent avec moi : j’avoue que je n’ai rien omis pour le perfectionner, afin d’avoir quelque mérite et quelque relief parmi les Dames.

57. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique —  CHAPITRE X. Des six parties de la Tragédie, suivant Aristote. Examen de ces six parties dans Athalie. » pp. 260-315

Les incidens qui naissent les uns des autres, arrivent comme ils ont du arriver suivant la vraisemblance. […] Le Dénouement arrive par une Reconnoissance qui cause une Péripétie, & la Reconnoissance comme la Péripétie, naît du Sujet. […] C’est la Reconnoissance qui fait le Sujet, au lieu que la Reconnoissance doit naître du Sujet & causer la Péripétie. […] Pourquoi ce Poëte si tendre, & qu’on accuse d’a voir francisé les Heros de l’Antiquité, a-t-il mis un peu de dureté dans ce caractere ? […] Un tel caractere dont le modele ne se trouve ni chez les Anciens, ni dans la Nature ordinaire, n’a pu être créé que par un homme très-grand Poëte & très-honnête homme.

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