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35. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Son but principal est de plaire en instruisant : Pour cela il est nécessaire que le Poète choisisse quelque beau point d’histoire véritable, ou crue telle ; qu’il conserve les bienséances, les mœurs et les caractères ; qu’il exprime les sentiments en termes choisis, nobles, et convenables à sa matière. […] L’action doit être unique, et tous les incidents ou épisodes qui la composent, tellement liés ensemble, et par conséquent tous les personnages tellement nécessaires, qu’on ne puisse en détacher aucune partie, sans ruiner le tout. […] On peut hasarder sur la Scène, des choses mêmes, qui sont contre nos mœurs, et ces sortes de sujets réussiront, si on y apporte tous les ménagements nécessaires. […] Je ne condamne pas absolument toutes sortes d’épisodes ; ils sont même quelquefois absolument nécessaires, pour conduire au dénouement de l’action principale ; comme dans la Tragédie de Bajazet, l’amour du Vizir Acomat, et d’Atalide, confidente de Roxane, sert beaucoup à nouer l’intrigue, et fait un grand jeu de Théâtre. […] Or les Casuistes les plus rigides et les plus austères ne défendent point l’usage de certains jeux, pour le délassement de l’esprit ; pourquoi donc défendre les spectacles, quand on y assiste avec toutes les précautions nécessaires ?

36. (1634) Apologie de Guillot-Gorju. Adressée à tous les beaux Esprits « Chapitre » pp. 3-16

Il a vu que dans la nature toutes les choses qui sont rangées auec un si bel ordre y sont toutes nécessaires, mais diversement ; les unes pour l’utilité, les autres pour la beauté et l’ornement, et d’aucunes pour le plaisir. Dans la societé civile et dans une République qui est un assemblage de plusieurs hommes, il s’en trouve pareillement dont l’utilité est considérable, d’autres servent de lustre et à l’ornement, et d’autres sont pour le plaisir et la récréation, et dans cette considération qu’ils sont tous nécessaires ; il n’y en a pas un, à son avis, qui soit méprisable. Que si vous rejetez de la République ceux qui exercent la Comédie, il faudra en même temps bannir les Parfumeurs, les Musiciens, et les Poètes, qui semblent aussi peu nécessaires ; et même il arrive ordinairement que les parties les plus nécéssaires sont celles qui paraissent le moins, et celles qui sont pour la nécessité sont moins honorées que celles qui sont pour l’ornement ou pour la volupté, comme les Boulangers sont moins estimés que les Pâtissiers, et les Laboureurs que les Orfèvres. […] Et qui voudrait si mal penser de ces sages Romains, ces grands Politiques qui bâtissaient des lois pour conserver leur République, que de croire qu’ils eussent voulu flétrir d’aucune note d’infamie des personnes qui ne sont pas moins nécessaires aux autres que le Soleil l’est aux fleurs, et le sel à la vie.

37. (1695) Preface [Judith, tragedie] pp. -

J’avoue qu’il est mal aisé d’assembler tout ce qui est nécessaire à la composition de cette sorte d’ouvrages, d’autant plus qu’il y a peu de modèles dans ce genre d’écrire, et peu d’Auteurs qui soient d’humeur de les imiter. […] Que s’il faut justifier mon Ouvrage en particulier, il me suffit du moins pour établir l’unité morale que ce commerce qui est entre la Ville et le Camp pour l’exécution de ce qui se passe sur la Scène, se puisse faire vraisemblablement dans moins de temps qu’il ne faut pour satisfaire à la règle de vingt-quatre heures ; et d’ailleurs cette unité de Scène se doit expliquer plus favorablement pour mon Ouvrage, puisque la proximité du Camp et de la Ville était absolument nécessaire dans les Sièges du temps de Judith où l’on ne pouvait battre les murailles de la Ville assiégée, qu’avec des machines.

38. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE VIII. Actes de fanatisme et avanies exercés par quelques prêtres, contre des Comédiens français. » pp. 141-148

L’autorité séculière se doit à elle-même ces exemples de justice : ils sont absolument nécessaires pour restreindre l’ambition, la cupidité et le fanatisme de certains ecclésiastiques, dont les entreprises causeraient du trouble dans l’état, et corrompraient la pureté de notre sainte religion. […] Ces circonstances me sont connues, et je les publierai s’il est nécessaire.

39. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « La criticomanie. » pp. 1-104

Ils ont reconnu des Harpagons dans tous les degrés de l’avarice, et même dans une sage économie : tel fils a insulté et volé son père, parce qu’il lui refusait les choses nécessaires à la vie ; tel autre a manqué au sien, parce qu’il ne voulait rien y ajouter ; celui-ci, adonné aux jeux, aux plaisirs, aux dépenses folles, s’est élevé insolemment contre son père prudent, en qui il voyait un autre Harpagon, parce qu’il lui refusait de l’argent, ne voulant pas contribuer à ses excès : celle-là s’est comportée de même envers sa mère qui, ayant ou prévoyant des besoins plus urgents, lui refusait le prix d’une parure dont elle pouvait se passer, etc. […] Donc une comédie qui offrirait ces avis d’un philosophe eût été bien nécessaire pour servir de correctif à celle de l’Avare. […] N’est-ce pas préférer aux cœurs purs, si rares, si nécessaires, les puristes ou rigoristes, les beaux esprits si communs, si indifférents pour le bonheur général, et qui fourmillent parmi les hommes odieux, parmi ces êtres dégradés qui préfèrent le nom de fripon à celui de sot ? […] On sentira facilement comment j’aurais été obligé de remonter aussi haut et de généraliser la question, quand même je n’eusse eu en vue que cette démonstration particulière ; il était nécessaire dans les deux cas de combattre, malgré le respect qui lui est dû, la principale autorité sur laquelle les critiques modernes s’appuient dans cette cause, et qui devait m’être opposée par les actionnaires et tous les autres partisans d’un préjugé le plus solidement affermi, naturalisé ; et que, par conséquent les petits coups de hache que je lui porte aujourd’hui ne sauraient renverser de sitôt. […] Laissez-les donc en toute sûreté donner de bons exemples, faire du bien, ou engager les apathiques, les indifférents à en faire ; laissez-les courir, s’agiter, faire du bruit, attendrir les autres en feignant de s’attendrir eux mêmes ; cette fermentation est nécessaire à l’éveil, au maintien de la vraie bienfaisance ; ces hommes hypocrites et corrompus sont pour les âmes bienfaisantes ce que les plantes parasites et pourries sont pour les plantes utiles dont elles font l’engrais, sur lesquelles elles agissent, qu’elles échauffent et font croître.

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