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78. (1686) Sermon sur les spectacles pp. 42-84

Mais, sans recourir à ces événements dont la Religion nous garantit la vérité, quoiqu’ils ne s’accomplissent pas sous nos yeux, comment n’êtes-vous pas frappés de tous ces morts qu’on fait en quelque sorte revivre, pour vous intéresser ? […] qu’importe à l’humanité, mes Frères, qu’on pleure la mort de César ; qu’on s’afflige des malheurs d’Iphigénie ; qu’on plaigne le sort d’Andromaque ; qu’on gémisse sur des infortunes Romanesques, si l’on est insensible aux maux de son prochain ; si, au sortir même du Théâtre, on brusque les pauvres au lieu de les assister ; si l’on envisage d’un œil sec les misères qui les environnent et les plaies qui les couvrent ? […] La mort est le moment qui dessille les yeux, et l’on peut s’en rapporter à ce que la conscience reproche alors. […] que de personnes qui pensent intérieurement comme nous sur le danger des Spectacles, et qui attendent à la mort à se repentir de les avoir suivis ! […] C’est là que vous verrez des mères qui encouragent elles-mêmes leurs filles à la mort, et qui considèrent leurs tourments avec une intrépidité que tout l’Univers ne peut entamer ; des vieillards qui se traînent avec joie au milieu des pierres et des injures, pour aller terminer leurs jours par les plus affreux supplices, et menacer les tyrans de la colère céleste.

79. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. […] « Or, convient-il à un disciple de Jésus-Christ d’aller autoriser par sa présence des hommes scandaleux ; d’aller contempler avec curiosité des femmes sans pudeur, trop semblables à ces sirènes dont parle Isaïe9, qui ne charment que pour la mort ; des femmes qui, par des attitudes étudiées et des gestes expressifs répandent de tous côtés le poison de la volupté ? […] « Pour bien comprendre ce que nous venons d’avancer, il ne faut que considérer quelles impressions font sur l’âme les images les moins animées par elles-mêmes, et quel est le sentiment naturel qui accompagne la lecture d’un événement profane, la vue d’une peinture immodeste ou d’une statue indécente : si ces objets, tout inanimés qu’ils sont, se retracent naturellement à l’esprit, si on ne peut même en sentir toute la beauté et toute la force sans entrer dans la pensée de l’auteur ou dans l’idée du peintre, quelle impression ne font pas les spectacles, où ce ne sont pas des personnages morts ou des figures muettes qui agissent, mais des personnages animés, qui parlent aux oreilles, qui, trouvant dans les cœurs une sensibilité qui répond aux mouvements qu’ils ont tâché d’y produire, jettent toute une assemblée dans la langueur et la font brûler des flammes les plus impures !

80. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE II. Des Spectacles des Communautés Religieuses. » pp. 28-47

Mais (ce qu’assurément ne voudrait pas imiter le plus habile acteur de la comédie), il réalisait la chose, et ordonnait à ceux qui avaient le personnage de bourreau, de ne le point épargner, et, à la mort près, de lui faire sentir à grands coups de fouets toutes les douleurs du martyre. […] Vincent étant mort en 1660, le théâtre de la foire n’était pas connu de son temps, qu’il ne pouvait y avoir à S. Laurent que quelques vielleurs, sauteurs ou joueurs de gobelet, qui ne représentaient aucune pièce ; qu’on n’y en joua que longtemps après sa mort, lorsque le théâtre de Paris ayant acquis quelque solidité, ce mauvais arbre répandit ses rejetons, et avec eux son mauvais fruit. […] qu’on s’y préparera par la prière ; qu’on s’en punira au retour par la pénitence ; qu’on y portera le cilice ; qu’on y fera des réflexions sur la mort, le jugement et l’enfer ; qu’on n’y souffrira ni masque, ni rouge, ni mouche, ni gorge découverte, ni habits riches, ni parures recherchées ; qu’on n’y ira point la nuit, etc., c’est-à-dire qu’il l’anéantit. […] Elles se plaisaient à l’effusion du sang des gladiateurs, et montraient plus d’acharnement que personne à demander leur mort : « Pectusque juventis Virgo modesta jubet converso pollice rumpi. » L’assistance des Religieux au théâtre ne serait parmi les Chrétiens que plus indécente, et les suites plus scandaleuses.

81. (1697) Histoire de la Comédie et de l’Opéra « HISTOIRE ET ABREGE DES OUVRAGES LATIN, ITALIEN ET FRANCAIS, POUR ET CONTRE LA COMÉDIE ET L’OPERA — CHAPITRE IV. » pp. 78-112

La cinquième, le temps qu’on y perd, et la mort qui s’approche. […] La mort tragique de Molière sur le même Théâtre où il jouait le Malade imaginaire, n’y est pas oubliée. […] Il nomme encore Rosimondaj Comédien connu dans la Paroisse de saint Sulpice, qui étant mort subitement, fut enterré sans Clergé, sans Luminaire et sans Prières, dans l’endroit du Cimetière où l’on met les enfants morts sans Baptême. […] [NDE] Josias de Soulas (1608-1671), dit Floridor, a renoncé à sa profession lors d’une grave maladie ; il est mort une quinzaine de jours plus tard. […] [NDE] Claude de la Rose, dit Rosimond (1640-1686) est mort, comme Molière, en sortant de scène.

82. (1715) Dictionnaire de cas de conscience « COMEDIE. » pp. 739740-750

 » D’où il conclut derechef, que ce n’est donc pas un péché léger, mais un crime, qui donne à l’âme le coup de la mort […] Ils doivent, suivant le conseil de Salvien, considérer que les spectacles sont plutôt une mort à l’âme qu’un véritable plaisir. « Respiciant cuncta quæ diximus, et videant in spectaculis non voluptatem esse, sed mortem. […] Philometor, Comédien, connu publiquement pour tel, étant malade au lit de la mort, et n’ayant pas voulu promettre de renoncer à sa Profession, quelque instance que son curé lui en ait faite, est mort sans recevoir les Sacrements, ce Curé les lui ayant refusés. […] La seconde, si étant mort en cet état, le Curé peut sans péché refuser à son corps la sépulture Ecclésiastique ; principalement, s’il a donné d’ailleurs des marques qu’il était repentant de ses péchés ? […]  » Voilà une Loi expresse, qui prouve évidemment, que ces Empereurs, non plus que les Evêques, ne voulaient pas qu’on admit aux Sacrements les Comédiens, quoiqu’ils se trouvassent malades au lit de la mort, à moins qu’ils ne fissent une promesse authentique, entre les mains des Magistrats, de ne plus jamais exercer leur Profession ; et que même en ce cas, on ne leur donnât les Sacrements, que lorsque les Evêques le trouveraient à propos ; c’est-à-dire, qu’encore qu’on ne leur refusât pas l’absolution, quand ils donnaient des marques d’une sincère pénitence on ne leur accordait néanmoins la sainte Communion qu’avec l’approbation de l’Evêque.

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