Nous ne manquons ny de grands Maistres ny de beaux Esprits, ny de richesses, ny de magnificence : Pourquoy ne porterons-nous pas la chose au point où l’on peut l’avoir dê-ja portée ? […] Mais ce qui est plus possible que tout, & qui est aussi important que le reste, c’est l’ordre qui est rare parmy les Comediens, & la sureté qui manque dans les lieux de la Comedie. […] Combien de fois sur ces morceaux de Vers, mais le voicy, mais ie le voy : que nos Autheurs par un miserable entestement de leurs pretenduës regles, ne manquent point d’employer pour lier leurs Scenes, combien de fois dis-je, a-t’on pris pour un Comedien & pour le Personnage qu’on attendoit, des hommes bien-faits & bien mis qui entroient alors sur le Theathre, Theathre, & qui cherchoient des Places après mesme plusieurs Scenes des-ja executées ? […] Nos Acteurs ne manquent ny de courage ny d’ambition pour faire valoir leurs Comedies, & pour plaire à leurs Spectateurs ; mais leur generosité est encor plus à plaindre qu’à admirer, car hors de leur Garderobe qui n’est jamais venduë à peu prez de ce qu’elle couste, il en est très-peu qui puisse faire fonds de quelque chose pour subsister dans le repos, & pour passer la vieillesse sans besoin.
N’y ayant donc point de divertissement plus agreable aux gens du monde que la Comedie, ils s’efforcent de s’en assurer une jouissance paisible, pour que rien ne manque à leurs plaisirs. […] Bien des gens étouffent de mauvais desseins, parce qu’ils manquent d’expressions ; ils n’ont point cette maniére ingenieuse, cette delicatesse, pour marquer les mouvemens de leur cœur, & ils en demeurent là. […] on ne doit point la representer, ni se plaire à la voir representer : car on ne manque gueres d’aimer bien-tôt un vice dont l’image commence à plaire. […] Manquent-ils jamais de faire de mauvaises impressions en nous ? […] Car peut-on se flatter de sortir innocent de ces assemblées, où tous les sens sont assiégez, & enyvrez de plaisirs, & où il est presque toujours d’une complaisance indispensable de manquer de modestie ?
Mais si la solide vertu manque, du moins l’autorité des lois en conservera les dehors, et obligera ses ennemis même à la respecter. […] Lorsque les Italiens et les Anglais apprennent que nous flétrissons de la plus grande infamie un art dans lequel nous excellons, qu’on excommunie des personnes gagées par le Roi, que l’on condamne comme impie un spectacle représenté dans des couvents, qu’on déshonore des pièces où Louis XIV et Louis XV ont été acteurs, qu’on déclare œuvre du démon des pièces reçues par des Magistrats et représentées devant une Reine vertueuse, quand des étrangers apprennent cette insolence et ce manque de respect à l’autorité royale, cette barbarie gothique, qu’on ose nommer sévérité chrétienne, peuvent-ils concevoir que nos lois autorisent un art déclaré infâme, ou qu’on ose couvrir d’infamie un art autorisé par les lois, récompensé par les Souverains, cultivé par les plus grands hommes, et qu’on trouve chez le même Libraire l’impertinent libelle du Père le Brun à côté des ouvrages immortels de Corneille, Racine, Molière ? […] Revenons à la vérité du mot de Bossuet, « il y a de grands exemples pour, et de grandes raisons contre », que Louis XIV ne prit pas pour une insolence et un manque de respect à son autorité.
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Beauchâteau, qui savait que l’infortune donne à l’âme de l’élévation, ne se rebuta point ; à force de prières et de paroles respectueuses, il parvint à lui faire raconter qu’un désastreux procès l’avait réduite au point de manquer de tout, et que ne pouvant ni se résoudre à mendier, ni à retourner dans la chambre qu’elle avait louée, parce qu’il lui était impossible de payer le terme qu’elle devait à l’hôte, elle était décidée à se laisser mourir de faim dans l’église. Beauchâteau, touché de ce récit, supplia cette femme de venir chez lui, lui promit que rien ne lui manquerait, et que son épouse s’empresserait de la consoler.