Car les hommes ont de coutume de juger seulement honteux l’abus des voluptés qui leur sont communes avec les autres animaux, et par lesquelles ils dégénèrent, en quelque manière à la semblance des bêtes brutes, se transformant en chiens et en pourceaux. […] Il répond, et à mon jugement, avec raison, que cette manière ne sera pas moins préjudiciable à la sainteté de la Religion ; ni moins déshonorable à la République. […] Pour ce, dit-il, qu’il appert que ceux qui suivent cette manière de vivre, étant lâches et paresseux, donnent publiquement un mauvais exemple. […] Ce qui est une fâcheuse manière de nuire, et d’autant plus pernicieuse, qu’elle est publique, et se glisse sous l’appât d’une volupté attrayante et précipite les imprudents en ruine. » C’est ce qui les a fait noter d’infamie par les lois ; et celui-là est dit infâme, duquel les mœurs et la vie sont réprouvées : d’où on ne peut douter que telles gens croupissent en un grand péché. […] Par quoi en cette manière tous les sacrements du symbole sont violés, et tout ce qui suit au symbole est ébranlé et ruiné.
Remarquons seulement que le Théâtre qui reçoit des personnages qui lui sont étrangers, doit les faire agir de manière qu’ils ayent toujours un certain rapport avec son genre primitif.
Nous voyons avec douleur depuis quelque temps, l’affection et l’empressement que vous avez pour les Spectacles, que nous avons souvent déclarés contraires à l’esprit du Christianisme, pernicieux aux bonnes mœurs, et féconds en mauvais exemples, où, sous prétexte de représentations et de musiques innocentes par elles-mêmes, on excite les passions les plus dangereuses ; et par des récits profanes et des manières indécentes, on offense la vertu des uns, et l’on corrompt celle des autres.
Donc ce casuiste ne peut, sans une grande imprudence et une horrible témérité, vous dire que vous ne ferez pas mal d’aller à ce jeu, au bal ou à la danse, s’il ne connaît parfaitement toutes les circonstances du lieu, du temps, de la manière et des personnes qui s’y rencontrent, et principalement s’il ne connaît certainement la posture et la disposition de votre cœur, qui est connu de Dieu seul : Inscrutabile cor hominis, et quis cognoscet illud ?
Cependant ce désordre, qu’on pourroit considérer comme une calamité publique, vu l’importance d’une bonne éducation par rapport à la société civile, n’est rien en comparaison d’un système qui ayant pris naissance dans la licence républicaine d’un pays où le mélange de toutes les sectes modernes a remplacé la religion antique, s’étend d’une manière effrayante dans les pays catholiques ; et menace d’une révolution prochaine dans les mœurs, plus générale et plus subversive de toute décence, que tout ce que la vicissitude des siècles et des nations nous présente dans le tableau des folies et des prévarications humaines. […] Je défie toutes les intelligences humaines d’expliquer un genre de mystère en morale, qui se présente ici d’une manière trop frappante pour n’être point digne d’une considération sérieuse. […] « Si j’envisageois la chose en ministre de l’Eglise, en prêtre et interprête du Dieu de nos pères, je mettrois sous vos yeux l’essentielle et invincible incompatibilité des spectacles mimiques et de l’esprit de la religion ; je ferois jaillir de la manière la plus vive l’étonnant contraste de l’histrionisme et de l’Evangile ; je ferois évanouir comme l’ombre ces maximes illusoires et démenties dans le cœur même de ceux qui les étalent, touchant l’utilité et la décence du théâtre moderne8 ; je dirois à tous les Chrétiens rassemblés dans la contemplation d’une de ces farces de fureur ou d’amour : vous qui dans la réception du premier et du plus important bienfait d’une religion céleste, avez juré à l’Eternel un divorce sacré d’avec toutes les pompes du monde et des passions sensuelles ; songez-vous que votre attachement à ce brillant étalage de vices et de crimes, n’est qu’un long et opiniâtre parjure ?