Il y a des nuances, des rapports, des traits de maître qu’elles ne connoissent point, & qu’une intelligence étendue développe seule. […] Tels sont les Comédiens à l’égard des Auteurs : copistes serviles ; il ne leur faut que de l’attention pour entrer dans leurs idées & les mettre dans un beau jour ; comme l’Eleve n’a besoin que de voir les Tableaux d’un Maître pour les rendre.
« Ridiculum acri, Fortius ac melius magnas plerumque secat res. » C’est ainsi que pensait Molière, le Père de la Comédie en France, le Maître et le vrai modèle de tous ceux qui se sont adonnés à ce genre d’écrire.
Il s’excusa le mieux qu’il pût dans le prologue : « Ai-je pu, s’écriait-il, refuser quelque chose au maître du monde, à qui les Dieux même n’ont rien refusé ? […] Dans la guerre de Flandres de 1744 les deux Généraux s’étaient accordés pour avoir tout à tour la comédie chaque semaine : la troupe passait d’un camp à l’autre, et pour mettre à couvert de toute insulte ces Princes et ces Princesses, un détachement de cinquante maîtres était commandé pour les escorter jusqu’à demi-chemin, où un pareil détachement de l’autre armée venait les prendre et les conduire. […] Par là, disent les maîtres de l’art, on purge les passions.
Soit haine ou prévention contre tout ce qui portait le cachet du paganisme, soit pour d’autres motifs que je ne discuterai pas puisqu’ils sont étrangers à la question de ce mémoire, les modèles de nos maîtres restèrent poudreux au fond des cloîtres, et l’art descendit une seconde fois aux tréteaux de l’Attique1. […] Je ne connais pas de scène au théâtre français où la main d’un grand maître soit plus sensiblement empreinte, et où le sacré caractère de la vertu l’emporte plus sensiblement sur l’élévation et le génie. […] » Nos auteurs en s’écartant d’une route suivie par nos grands maîtres, s’éloignent aussi de l’objet du drame, qui ne doit être qu’une école de civilisation.
On ne voit pas que l’excès de ces éloges les détruit, que les commentaires ne sont le plus souvent que des apologies des fautes de ces grands maîtres ; qu’ils tirent de ces mines si riches, dit-on, plus de terre que des trésors, qu’il résulte de ce fatras de déclamation, que ces beautés sublimes se réduisent à très-peu de chose ; que dans ces chef-d’œuvres il y a plus de médiocre, plus de mauvais que de bon. […] Il a plus à espérer de la fortune de son pénitent devenu Roi, que du Viceroi espagnol, qui se moque de lui en lui promettant un archevéché dont il n’est pas le maître, & qui même n’est pas vacant, & ne manquera pas de le mépriser après un aussi grand crime. […] Dans un grand éloge de la danse, il ne se borne pas aux graves raisonnemens du maître à danser du Bourgeois Gentilhomme, il veut que la danse soit la perfection de la nature, un traité de morale, un cours complet d’éducation. […] 4, en rapporte un fort célebre entre deux maîtres d’escrime qui se batirent à fer émoulu, & se blesserent grievement sur le théatre, à la satisfaction du parterre britanique, Converso pollice vulgi quem libet occidunt populariter . […] Le public avoit été averti par une annonce & un défi affiché aux carrefours en ces termes : Jacques Miller, sergent, maître de la noble science qui apprend à manier les armes, ayant oui-dire que Thimothée Buck, maître de la même science, s’y est acquis une grande réputation, je l’invite à venir me combattre avec les armes à son choix, le sabre, l’épée, le poignard, le coutelas recourbé, le coutelas à deux tranchans, le bâton à deux bouts, &c.