On aime tant à blâmer, à critiquer, que lorsqu’on ne peut faire autrement, on dénigre jusqu’au mérite. […] Cette alliance, ce mêlange de ce qui regarde les Pièces du nouveau genre, & de ce qui concerne les divers Poèmes représentés au Théâtre, qu’on m’a déjà reproché, est directement ce qui donnera quelque mérite à mon Ouvrage. […] Lorsque je me récrie sur ses beautés & sur son mérite, il suffira de penser le contraire de ce que je dis, afin de pénétrer mes véritables sentimens.
(Oh je me tais sur son mérite !) […] En former le dessein, s’en faire un mérite auprès de sa maîtresse, n’est-ce pas une impiété réfléchie ? […] C’est un grand mérite, en effet, de prendre du caffé, d’écouter des contes, & des comédiens, & de mettre la Réligion sur la même ligne avec des bouffoneries : c’est le mérite de Voltaire & des Voltairistes. […] Il eut 15 batards, qui eurent tous du mérite. […] La batardise est un titre au mérite, ne fut-ce que pour couvrir la honte de leur naissance.
Mais la flatterie y a tenu la plume dans cette nomenclature ; on seroit bien trompé si on pesoit le mérite à sa balance. […] Ce Prince, par la bonté de son cœur & ses grandes qualités, mérite tous les honneurs : mais il n’en est point d’aussi marqué. […] Il ne se corrigera point : l’amour-propre, le plus habile des flatteurs qu’il favorise, s’en fait un mérite. […] Les bons magistrats, les vrais nobles qui soutiennent leur dignités par leur mérite, n’en furent jamais ni ne peuvent en être l’objet. […] Il demande au Prince le prix de son zele & de ses mérites.
A entendre quelques-uns de ses apologistes, on dirait qu'il ne mérite que des éloges, pourvu qu'on le purge des infamies de l'impureté ; comme si l'amour était la seule passion qu'il excite, ou la seule qui soit à craindre ! […] Il s'en fait une vertu et un mérite ; c'est par là qu'il tâche de plaire.
Quand la critique ne roule que sur l’art ou sur l’esprit d’un Auteur, il est juste de la modifier ; mais quand elle regarde les mœurs, je crois qu’on ne saurait trop tôt se taire ; j’ai loué Molière autrefois en parlant de cette Pièce16, et je conviens qu’il mérite toute sorte de louange par rapport au génie et à l’art qu’il y a mis ; mais pour ce qui regarde les mœurs, loin de l’approuver je suis au contraire persuadé que ses plus grands partisans (parmi lesquels j’ose me compter, d’autant plus que je l’ai étudié à fond) je suis persuadé, dis-je, que ses plus grands partisans pensent comme moi de l’Ecole des Maris, et la banniraient, comme je fais, du Théâtre de la réforme. […] Je crois l’avoir déja remarqué, toutes les fois que Molière a été inventeur ses Pièces ont été correctes, mais quand il a voulu copier, il s’est trop assujetti à ses modèles : Qu’il me soit permis d’ajouter que si Boccace en ce cas mérite d’être blâmé, Molière n’en est pas plus excusable d’avoir tiré de cet Auteur Italien le sujet d’une Comédie si scandaleuse.