Il les trouve sèches et insipides, au lieu qu’il court, pour ainsi dire, au-devant de celles qui flattent ses passions, et qui favorisent ses désirs. […] Il n’y aurait que les libertins qui pussent voir les pièces déshonnêtes ; les femmes de qualité et de vertu en auraient de l’horreur, au lieu que l’état présent de la Comédie ne faisant aucune peine à la pudeur attachée à leur sexe, elles ne se défendent pas d’un poison aussi dangereux et plus caché que l’autre qu’elles avalent sans le connaître, et qu’elles aiment lors même qu’il les tue. […] Mais il ne croit pas que sa vertu soit dans un degré assez haut, s’il ne fait monter sa piété vers Pompée, jusques à l’impiété et au blasphème envers les Dieux de l’antiquité ; car il la fait parler dans la première Scène du cinquième Acte aux cendres de son mari, en cette manière ; « Moi je jure des Dieux la puissance suprême, Et pour dire encore plus, je jure par vous-même ; Car vous pouvez bien plus sur ce cœur affligé, Que le respect des Dieux qui l’ont mal protégé. » Et sur la fin de la Scène quatrième du même Acte : « J’irai, n’en doute point, au partir de ces lieux, Soulever contre toi les hommes et les Dieux : Ces Dieux qui t’ont flatté, ces Dieux qui m’ont trompée, Ces Dieux qui dans Pharsale ont mal servi Pompée, Qui la foudre à la main l’ont pu voir égorger : Ils connaîtront leur crime, et le voudront venger ; Mon zèle à leur refus, aidé de sa mémoire, Te saura bien sans eux arracher la Victoire. » « Ce serait une fort méchante excuse à cette horrible impiété, de dire que Cornélie était Païenne ; car cela prouve seulement qu’elle se trompait, en attribuant la divinité à des choses qui ne la possédaient pas : mais cela n’empêche pas que supposé qu’elle leur attribuât la divinité, elle n’eût pas des sentiments effroyablement impies. […] L’Auteur cite l’endroit de Tertullien au Chapitre 28. du Livre des Spectacles, d’une femme Chrétienne, laquelle étant allée au Théâtre et à la Comédie, en revint possédée du diable, et que les Exorcistes demandant au démon comment il avait osé attaquer une Chrétienne, il répondit qu’il l’avait fait sans crainte, parce qu’il l’avait trouvée dans un lieu qui lui appartient, Inveni ine meo af. […] Ces viandes ne corrompaient réellement ni l’âme ni le corps des enfants, elles ne faisaient que passer en eux comme les autres viandes, sans y faire aucune impression maligne ; au lieu que ces Chansons sacrilèges corrompent l’esprit de ceux qui les chantent, et que demeurant dans la mémoire elles leur sont une tentation pour toute leur vie.
Il ne ressemble en rien à la Pastorale, quoique son intrigue soit ordinairement champêtre ; elle ne nous peint que les amours des Bergers, au lieu qu’il nous représente tout à la fois les mœurs naïves des gens de la campagne & les actions du menu Peuple de nos Villes. […] Il résulte de tout ceci qu’Opéra-Bouffon veut dire un Spectacle de choses communes, de pures frivolités ; une éspèce de Drame où l’esprit ne se montre guères, où l’oreille seule est enchantée par les sons de la Musique ; & enfin un lieu dans lequel s’assemblent en foule des Spectateurs plus avides de nouveautès passagères que du sublime & du vrai beau ; & plus curieux d’images basses & populaires que d’un Tableau noble & d’une vaste étendue. »** Quoique St Evremont n’en ait point voulu parler, il semble pourtant le définir assez, tel qu’il parait au prémier coup-d’œil, dans ce qu’il écrit au sujet de l’Opéra Sérieux.
Vous vous trompez, les jeunes gens ne vont pas en ces lieux-là pour y prendre femmes, mais pour les y surprendre, pour les muguetere, cajoler et badiner ; ils y vont pour se moquer des autres en votre présence, et se moquer de vous en la présence des autres. […] Donc ce casuiste ne peut, sans une grande imprudence et une horrible témérité, vous dire que vous ne ferez pas mal d’aller à ce jeu, au bal ou à la danse, s’il ne connaît parfaitement toutes les circonstances du lieu, du temps, de la manière et des personnes qui s’y rencontrent, et principalement s’il ne connaît certainement la posture et la disposition de votre cœur, qui est connu de Dieu seul : Inscrutabile cor hominis, et quis cognoscet illud ?
Il faut garder selon la lettre toutes ces choses, et semblables : Ajoute, que entre les Païens, à certaines fêtes de Mars, les femmes portaient l’équipage des hommes ; et aux fêtes de Vénus, les hommes portaient les hardes des femmes, la quenouille, le fuseau, et autres telles choses : Est aussi à noter, que le terme Hébreu, dont use Moïse est plus général, que ne porte ce mot de vêtement ; dont appert, que la défense est encore plus rigoureuse, que nous ne la prenons, la restreignant seulement aux vêtements ; au lieu que Dieu nous déclare, qu’il abhorre généralement toute confusion, jusques à la moindre, qui se commet, quand un sexe s’attribue quelque chose qu’il a ordonné à l’autre. […] Et certes la modestie, et l’ordre de nature, ne doivent pas être gardés seulement en l’Eglise, mais en tout lieu, principalement en compagnie, qui n’est jamais petite, aux lieux où se jouent Comédies ou Tragédies. […] Je leur réponds ; qu’ils doivent savoir, que vraiment tous moyens de sauver sa vie ne sont pas licites ; et que suivant les Maximes posées ci-dessus ; le vrai fidèle n’entreprendra jamais rien, dont il n’est résolu, et assuré en sa conscience, ni ne tâchera à sauver la vie terrienne, en hasardant la céleste : Mais qu’ils diffèrent donc ces déguisements, tant que le cas de nécessité le requiertbq : Qu’ils se souviennent, que nécessité n’a point de loi ; Que les circonstances selon les causes, les fins, les temps, et les lieux, rendent les actions, non seulement diverses, mais bien souvent, contraires, comme il appert par les exemples susdits. […] Celui qui sans nécessité mangerait des chiens, ou autres immondices, serait à bon droit jugé malsain de corps, et d’esprit ; mais ce jugement n’a plus de lieu sur la mer, quand le biscuit est failli, ni quelquefois sur la terre, quand les munitions sont consommées. […] [NDE] qui dépend des coutumes en vigueur dans un lieu et un temps donnés (par opposition à universel).
C’est ainsi qu’à Rome, à Naples, à Florence, &c. on a fait des règlemens de police pour les lieux publics, où l’on tolère les femmes de mauvaise vie. […] Ce ne sont pas au moins les sept sages ; ils ont vécu en différens temps & en différens lieux ; ils ne tenoient pas compagnie à Socrate. […] L’homme de théatre est admis dans les plus nobles sociétés ; ses vains talens lui tiennent lieu d’ayeux & de mérite ; recherché, comblé de largesses, il s’en énorgueillit. […] Ce fils d’une tige illustre (une tige a des rejetons, un père a des fils), au lieu du cœur de ses ayeux, ne trouvera au-dedans de lui qu’un cœur qui ne peut pas même l’élever aux vertus d’un homme né dans la foule. […] Le sang de tant de Héros qui devoit animer une postérité florissante & nombreuse, va se perdre dans les lieux de la corruption, & s’y engloutir pour jamais.