Et il n’y a ni louanges, ni richesses, ni dignités, ni Poësies qui doivent nous détourner de l’amour de la justice & des autres vertus. […] Ce n’est point assez d’y voir une Fille qui recevant dans sa chambre un homme couvert du sang de son pere, s’entretient de son amour avec lui, en gémit avec lui, & qui lui est enfin destinée pour épouse, par un Roi qui paroît autoriser le crime : on y entend toujours vanter cette affreuse justice qu’un Particulier se rend à soi-même ; & dans une Nation où les Rois, par des Loix si sages travaillent à éteindre la fureur du duel, on entend le coupable de ce crime s’en glorifier sans cesse, l’appeller une bonne action, & son Pere transporté de joye comparer ce funeste exploit aux Exploits guerriers contre les ennemis de l’Etat, en disant à ce Fils, Ton premier coup d’épée égale tous les miens.
Enfin, parceque je ne pourrois vous dire pourquoi un Dieu infiniment Saint, n’écrase pas les coupables sous le poids de sa justice, & pourquoi il souffre, & semble dissimuler les désordres de ses créatures, pourriez-vous en conclure que ces désordres cesseroient d’être des abominations à ses yeux ? […] Il est permis de dire quelque chose pour rire ; mais il n’est jamais du ton honnête, de le faire au dépens de la Réligion, du respect dû aux Souverains, & de la justice qu’éxigent de nous la raison, la politesse & le Christianisme… Si les spectacles sont mauvais, dit-on sans cesse, pourquoi le Pape les souffre-t-il ? […] Les Ministres du Seigneur feront toujours leurs devoirs, en levant la voix contre les prévaricateurs ; & ceux qui feront la sourde oreille, éprouveront la justice d’un Dieu, dont ils auront negligé les avis, & méprisé les ordres.
Il y a quelque sorte de pacte entre ceux qui représentent la Comédie et ceux qui y assistent, qui rend le péché des uns commun aux autres ; ceux qui donnent leur argent sont censés engager les Comédiens à jouer ; c’est pourquoi les Comédiens seraient obligés par titre de justice à rendre l’argent qu’ils auraient reçu, s’ils ne représentaient pas la Comédie, comme il est arrivé quelquefois qu’ils n’ont point joué, quand ils n’ont pas eu assez grand concours de monde, et qu’ils ne pouvaient pas faire un gain assez considérable pour se dédommager des dépenses qu’il fallait faire, et pour se récompenser de leurs peines. […] » qu’on leur fait justice en leur donnant la récompense de leurs services. […] ils sont réputés infâmes et irréguliers : or l’infamie et l’irrégularité que les Comédiens contractent, n’est point une infamie et une irrégularité pareille à celle que contractent par exemple ceux qui se marient deux fois, ce que l’on appelle Bigames, ou ceux qui sont dans de certains emplois de Justice ; celle-ci ne suppose point de péché ; elle est, comme parle le Droit, une irrégularité par défaut « Ex defectu Sacramenti vel lenitatis.
Il est, par exemple, défendu sur le Théatre d’ensanglanter la scene, même en le faisant suivant les regles de la justice & de l’honneur, & il est permis néanmoins de s’ôter la vie à soi-même, ce qui, hors du Théatre, feroit horreur.
Que sera-ce enfin, si revenant à soi par les principes de la religion, de la charité & de la justice, on reconnoît enfin l’obligation de la réparation de la médisance, sous peine de damnation, autant & plus étroite que celle de la restitution des biens, & à même temps la difficulté de la faire, & quelquefois l’impossibilité morale d’y réussir ?