/ 390
19. (1764) De l’Imitation théatrale ; essai tiré des dialogues de Platon : par M. J. J. Rousseau, de Genéve pp. -47

Ainsi jamais il ne dépend d’eux de juger de la chose imitée en elle-même ; mais ils sont forcés d’en juger sur une certaine apparence, & comme il plaît à l’imitateur : souvent même ils n’en jugent que par habitude, & il entre de l’arbitraire jusques dans l’imitation*. […] Je vois dans ce tableau des chevaux attelés au char d’Hector ; ces chevaux ont des harnois, des mords, des rênes ; l’Orfevre, le Forgeron, le Sellier ont fait ces diverses choses, le Peintre les a représentées ; mais, ni l’Ouvrier qui les fait, ni le Peintre qui les dessine ne sçavent ce qu’elles doivent être : c’est à l’Ecuyer ou au Conducteur qui s’en sert à déterminer leur forme sur leur usage ; c’est à lui seul de juger si elles sont bien ou mal, & d’en corriger les défauts. […] Si l’utilité, la bonté, la beauté d’un instrument, d’un animal, d’une action se rapportent à l’usage qu’on en tire ; s’il n’appartient qu’à celui qui les met en œuvre d’en donner le modèle & de juger si ce modèle est fidelement exécuté : loin que l’imitateur soit en état de prononcer sur les qualités des choses qu’il imite, cette décision n’appartient pas même à celui qui les a faites. […] C’est cette foiblesse de l’entendement humain, toujours pressé de juger sans connoître, qui donne prise à tous ces prestiges de magie par lesquels l’Optique & la Mécanique abusent nos sens. […] Ainsi l’art d’imiter, vil par sa nature & par la faculté de l’ame sur laquelle il agit, ne peut que l’être encore par ses productions, du moins quant au sens matériel qui nous fait juger des tableaux du Peintre.

20. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-huitieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Procès des Comédiens. » pp. 169-224

Le Théatre de la Foire pourra le juger. […] Il en conclut que ces abus étant un fait de grande & de la plus grande police, la Grand’-Chambre est seule compétente pour en juger. […] Après neuf mois de sollicitation, elle fut enfin lue, jugée & reçue le 8 Août 1773. […] En 1680 Louis XIV. jugea à propos de réunir les deux Comédies des Hôtels Rambouillet & Guénégaud. […] Toutes vos délicatesses doivent disparoître, dès que l’Administration a jugé ce qui étoit de sa compétence.

21. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. —  CHAPITRE V. Tribunal des Comédiens. » pp. 128-140

Les Auteurs & les Acteurs, ont à subir les Arrêts d’un Tribunal commun : celui des spectateurs, qui jugent à même tems de la composition de la piéce & du jeu des Comédiens. […] Le théatre s’est souvent approprié ce spectacle dans plusieurs comédies & tragédies, où l’on fait plaider & prononcer des jugemens les plus fameux sont le Cid & Horace où Corneille, fait comparoître le vainqueur devenu coupable, devant le Prince qui doit le juger, & où il plaide sa cause, au risque de voir flétrir ses lauriers par une mort infame, & quelques fois dans les Opéras, faisant venir Minos, Æacus, Radamante pour juger les ombres. […] Il me semble voir le Sénat des femmes établi par Héliogabale pour juger des modes, des habits des coëffures, du fard, de la beauté des femmes ; car ici les actrices sont assises sur les fleurs de Lys, ce ne sont pas les moins fiéres, les moins tranchantes.

22. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE IV. Apologie des Dames. » pp. 119-155

Je me contenterai de vous traduire, ou plutôt de vous paraphraser une scène de cette Tragédie, pour vous faire juger, sinon de la sublimité de son style, au moins de la majesté de ses idées. […] Pour vous faire juger de ses talents en peinture, puisse-t-elle se rendre au conseil que je lui donne de faire paraître ses ouvrages à Paris. […] Voulez-vous juger combien les femmes réussiraient facilement dans les beaux-arts ? […] Encore un coup, ne jugeons qu’après l’expérience, et nous aurons bientôt une nouvelle Académie des Sciences, une autre de Poésie, une autre de Peinture fondées pour des Dames. […] Poisson : jugez Monsieur si je devrais être l’avocat du beau sexe ; vous n’êtes, peut-être, pas plus beau Garçon que moi : ne serait-ce point là la cause de votre mauvaise humeur ?

23. (1744) Dissertation épistolaire sur la Comedie « Dissertation Epistolaire sur la Comedie. — Reponse à la Lettre d’une Dame de la Ville de *** au sujet de la Comedie. » pp. 6-15

C’est justement par le même endroit du danger que les Peres de l’Eglise ont jugé que les Chrêtiens faisoient une injure à la Majesté de Dieu quand ils oserent frequenter la Comedie. […] Je vous pourrois en citer quelques-uns, que j’ai l’honneur de connaître, je sçai ce qu’ils jugent en ce point : & mon sentiment ne sçauroit qu’y être conforme. […] Pesez donc, Madame, leurs maximes dans la presence de Dieu, qui vous jugera un jour selon les regles, que ses organes vous donnent.

/ 390