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51. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre I. Continuation des Mêlanges. » pp. 7-31

Le sieur Serane, ancien Doctrinaire, Professeur d’Histoire, Instituteur de la Jeunesse, vendeur d’engrais de terre ; dans son Traité de l’Education, ose avancer : Il s’en faut bien que dans Lafontaine ainsi que dans Phedre, toutes les Fables soient également propres à l’éducation des Enfans. […] Il y en a de galantes & même de licencieuses, qu’il ne convient pas de donner à la jeunesse. […] Qui croiroit cependant qu’il ne parle pas des Vies des Saints, où on ne voit que de bonnes œuvres, à l’exceptions des crimes de leurs persecuteurs, qui font leur grande sainteté, & les égaremens de leur jeunesse, dont ils ont fait penitence. […] Mais comment cet Instituteur si délicat, qui trouve les fables du lion, du renard, du loup pernicieuse à la jeunesse, ne trouve-t-il pas scandaleux les exemples des personnages de la Scène, le Duel de Rodrigue, le meurtre de la sœur d’Horace, l’assassinat de Pompée, l’inceste de Phedre, les amours de Mitridate, les mœurs de Neron, l’adultere de Danaée, en un mot tout le Théatre, qui n’est qu’un tissu de crimes, semé de quelques sentences & de quelques traits de vertu.

52. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE III. Suite du Mariage. » pp. 55-79

Je n’examine pas le mérite poëtique de ces deux farces, selon moi fort médiocre, quoique ses enthousiastes les élèvent jusqu’aux nues ; je ne les regarde que du côté des mœurs, avec d’autant plus de raison, que leur titre d’école les annonce comme des ouvrages didactiques faits pour instruire, & non pas jetés au hasard pour divertir sans conséquence, & il est certain qu’indépendamment des grossieres indécences d’actions & de paroles qui révoltent les honnêtes gens & font les délices des libertins, on ne sauroit donner à la jeunesse de plus mauvaises leçons & de plus mauvais exemples. […] Ajoûtez à ces belles règles une multitude d’invectives, de sarcasmes & de grossieretés contre les maîtres, les pères, les maris, de loup-garoux, d’Argus, de Turcs, de vieux foux, de dragons, d’esclaves, de verroux, de grilles, &c. qui ne sont rien moins que des traits d’esprit, jargon dont on déclare gravement qu’il ne faut que rire, que toute la jeunesse apprend par cœur & emploie à tout moment, vous aurez une analyse exacte de l’école du théatre, & des mariages à la Moliere. […] Le soin économique de son bien met obstacle à la vanité, à la prodigalité, au libertinage de la jeunesse ; décrions-la sous les dehors-de l’avarice, voilà Harpagon. […] Moliere quitta la boutique de son père & ses études, pour suivre une Actrice dont il devint amoureux, la Bejard, qui faisoit bonne fortune de la jeunesse de Languedoc.

53. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Riccoboni. » pp. 4-27

Les Italiens leur ont substitué des hommes & des femmes d’intrigues, qui ne sont pas rares chez eux, & qui rendent le même mauvais service à la jeunesse. […] Il est impossible que les discours des amans, toujours outrés sur la scène, ne confirment le libertin dans son dérangement, ne réveillent l’esprit le plus assoupi, & ne donnent entrée au vice dans la jeunesse la plus innocente. […] L’éducation de la jeunesse est donc pour l’état un objet de la derniere importance ; la nature & la loi en ont chargé les parens, & leur ont remis en cette partie l’autorité du Législateur. […] La modestie du sexe, l’éducation de la jeunesse, deux objets si importans à la société, rendent donc indispensable la suppression, du moins une entiere réformation du théatre.

54. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE I. Réformation de Moliere. » pp. 4-28

Ce ne sont ni les Femmes savantes, ni les Précieuses ridicules, ni le Malade imaginaire, qui nuisent ; ce sont les fripons, les libertins, les gens durs, injustes, violens, dont il faudroit purger la terre ; ce sont ces femmes hardies qui par leurs désordres enseignent à leur sexe que la pudeur est ignoble & puérile ; ces brillantes débauchées, à qui l’on pardonneroit peut-être de ruiner les fortunes, si elles ne détruisoient pas les sentimens ; ces Actrices corruptrices de la jeunesse, ces mères étrangères à leur famille, ces marâtres qui dépouillent leurs premiers enfans, ces intrigantes qui trafiquent de leurs charmes pour faire monter l’ignorance & le vice aux grandes places. […] Jamais Corneille ne sera un livre classique, je ne dis pas au Collège, où personne ne s’est avisé de le donner à la jeunesse ; mais même au Théatre, à cinq ou six pieces près qu’on joue quelque fois, les Comédiens même ne savent pas le nom de ses ouvrages. […] La jeunesse, effrayante par ses excès & la bassesse des sentimens, qui ne fait rougir de ses petitesses ni de ses désordres, ne peut pas plus supporter la pedanterie de la scene que celle des gens de bien qu’elle fuit. […] C’est le portrait de la Dangeville, de la Clairon, la Silvia, la Chammêlé, la le Couvreur, &c. comme dans les romans les Héroïnes sont toutes parfaites, & pour l’instruction de la jeunesse c’est le refrain de toutes ses chansons.

55. (1694) Sentiments de l’Eglise et des Pères « CHAPITRE III. Des Comédies de ce temps, si elles sont moins mauvaises et moins condamnables que celles du temps passé. » pp. 55-81

Combien y en a-t-il, qui par ce stratagème ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, et qui sous un dehors respecté, ont eu la permission d’être de vrais scélérats. […] « Aimable jeunesse,Dans le Malade Imaginaire. […] Car, « Ce que dans la jeunesse on prend de liberté, Ne se retranche pas avec facilité. » Voici donc les maximes que ce Législateur diabolique établit. […] Qu’elle veut jouir de quelque nombre de beaux jours que lui offre sa jeunesse, prendre les douces libertés que l’âge lui permet ; voir un peu le monde ; et enfin goûter le plaisir qu’il y a à s’ouir dire des douceurs.

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