Si nous sommes obligés de résister à nos passions dès le commencement, nous ne le sommes pas moins d’éviter avec soin tout ce qui est capable de les inspirer & de les entretenir. […] Deux Conciles d’Arles défendent de recevoir les acteurs à la Pénitence, s’ils ne renonçent à une profession qui ne s’applique qu’à inspirer des crimes, & qui est coupable de tous ceux qu’elle fait & qu’elle peut faire commettre. […] Si, ne devant connoître que la mortification & la pénitence, il doit fréquenter des endroits où tout ne lui inspire que la mollesse, le plaisir. […] L’effet seroit moins infaillible, si la passion étoit représentée dans sa difformité & avec des couleurs propres à en inspirer toute l’horreur qu’on en doit avoir ; mais sous quels traits a-t-on coutume de l’offrir ? […] dans le temps que vos yeux ne sont frappés que de ce qui peut porter au vice, nous n’entendons parmi nous que ce qui peut inspirer la vertu, ce qui peut nous rendre plus humbles, plus modestes, plus chastes.
Le cœur donne du courage, de la gloire, de la témérité, il peut aussi inspirer quelque chose de plus doux, de là dépend une félicité parfaite, il faut pour y parvenir faire un choix avec goût & discrétion suivant simplement la sympathie qui fait pencher vers un objet plutôt que vers un autre (c’est pour le fixer qu’on se farde & qu’on étale des nudités) ; cette sympathie formera bientôt le sentiment qu’on nomme amour (une jolie femme n’en doute pas) ; que cet amour produiroit la délicatesse seule source des vrais plaisirs (ce galimathias feroit rire une Actrice). […] Si cette façon de s’unir trouve les hommes contraires, il faut sans balancer refuser leur compagnie (il n’y a rien à craindre) ; les hommes ne pouvant se soutenir sans elles (ni elles sans les hommes), ils seroient forcés à suivre leurs loix pour les posséder (par sympathie encore) ; le succès de ses leçons fut prompt, les hommes furent attaqués par les regards (purement spirituels), dont les feux embrasent leurs ames, ils furent animés d’une ardeur que n’inspire point la gloire (toute à la pointe de l’esprit) ; dès ce moment les mortels ne connurent point de bonheur plus parfait que d’aimer & d’être aimé. […] Un trait fort plaisant que l’ivresse du théatre peut seule inspirer après de longues dissertations sur l’esprit de révolte qu’inspire le Calvinisme, & qui a fait couler tant de sang en France, en Angleterre, en Hollande après de si grandes leçons de politique sur la manière de prévenir les révoltes, ce que personne n’iroit chercher dans un roman fait par une femme ; l’Auteur fait à sa manière le portrait de trois hommes célèbres qui ont joué les premiers rôles dans les guerres de religion : Cromvel, le Prince d’Orange & l’Admiral de Colligni, & détaille leurs bonnes & mauvaises qualités. […] Autre idée plaisante, elle attribue leur taciturnité à Calvin, homme très-taciturne, qui la leur avoit inspirée avec ses erreurs ; c’est la première fois qu’on a dit que l’hérésie eut cette influence sur le caractère de ses sectateurs.
L’un des plus grands désordres de la comédie, dont on rit, au lieu d’en gémir, c’est le mépris & le dégoût qu’il inspire pour le mariage & ses devoirs. […] En voici de toute espèce, que l’on voit avec surprise, non seulement dans des domestiques & des amis petit-maîtres, on s’y attend, mais dans la bouche de Sophie, amie raisonnable, &, ce qui est tout-à-fait indécent, dans la bouche d’Argante père, qui au lieu de consoler, d’exhorter sa fille en père vertueux, se met du côté des railleurs, & conte ses prouesses galantes, dont il fait trophée ; ce qui révolte & scandalise par de mauvais exemples & de mauvais discours dans une personne si respectable, faite pour inspirer la vertu à ses enfans. […] Quel respect pour le mariage inspirent ces sentimens & ces idées ? […] Le théatre n’inspire que des intentions corrompues : ambition, cupidité dans les parens, pour qui toutes les vertus sont dans le coffre fort, j’ai cent mille vertus en louis bien comptés, ou qui trouve tout le mérite dans de vieux titres de noblesse, sans penser que c’est être un sot d’épouser son maître : légèreté, débauche, intrigue, passion, dans les jeunes gens ; on s’en va au bal, à la comédie, à la promenade, enchanté des graces, du son de la voix, des beaux yeux, de la danse, &c. […] Si le théatre n’est pas fait pour inspirer la vertu (quel aveu dans un Comédien auteur & acteur !)
On plaît par là sur-tout au sexe aimable & sensible, qui l’inspire & en est plein. […] Augustin, ne lui a pas inspiré ce désir. […] La comédie accoutume au vice, & n’en guérit pas ; désaccoutume de la vertu, & ne l’inspire pas : Assue factio morbi non libertatio. […] La seule représentation vive d’une personne passionnée inspire la passion : personne qui au retour du spectacle, s’il veut rentrer dans son cœur, ne se trouve plus ambitieux, plus vain, plus dissipé, plus dur, plus fier, plus libertin : Necesse est vitium repræsentatum imiteris aut oderis. […] Parler le langage du crime, paroître l’aimer, s’y déterminer, le commettre, en inspirer le goût en exprimer les mouvemens, en diminuer l’horreur, en excuser l’excès, le traiter presque de vertu, en étaler les objets, parler de tous leurs charmes, travestir les fureurs en héroïsme : quel scandale public !
Ici il emploie les paroles, et les sons les plus propres à inspirer l’amour de la volupté ; là il se sert de toutes les livrées du luxe pour étaler le charme des plus brillantes couleurs, et ce mélange qui étonne, et qui ravit, enivre les sens, subjugue l’âme, et vient à bout de corrompre les cœurs […] » Lévites du Seigneur, armez-vous ici de ce saint zèle que la Religion inspire, et faites retentir une voix forte et puissante qui renverse les Théâtres comme la Trompette fit autrefois tomber les murs de Jéricho. […] Ne parlons donc plus des Spectacles, mes Frères, que pour vous en inspirer la plus grande horreur ; que pour vous dire, avec tous les Pères de l’Eglise, avec toute la tradition, que vous ne pouvez y assister sans violer les vœux de votre Baptême, sans désavouer l’alliance solennelle que vous avez contractée à la face des Autels, alliance dont les témoignages subsistent dans les Archives de la Religion, et déposeront à jamais contre vous. […] C’est ainsi que les Pères de l’Eglise ont appelé les Théâtres, persuadés qu’ils étaient, que les spectacles ne pouvaient passer que pour les œuvres du Démon ; seconde vérité qui doit nous les faire envisager avec toute l’horreur et tout l’effroi qu’ils inspirent aux âmes saintes. […] N’attendez donc des Spectacles que des vices et des erreurs ; et croyez que s’ils sont l’écueil de l’innocence, il sont encore celui de la Religion, seconde raison qui doit vous en inspirer toute l’horreur.