Ce dénouement n’est qu’un tissu d’infamies dont la sage Léonor dit très-vertueusement : Je sais bien qu’au moins je ne puis le blâmer. […] Si les mariages dans le monde se faisoient tous sur ces modelles, cette sainte union ne seroit qu’une source d’infamies. […] Peut-on, sans gémir, voir une action si importante pour la vie présente & pour l’éternité, abandonnée aux folies du théatre, être l’objet de ses amusemens & de ses désordres, y être traitée de la maniere la plus licentieuse, avec la morale & les sentimens les plus opposés à la religion, y devenir l’école du vice, le fruit de l’intrigue, la récompense des passions, y être préparée par le crime, accompagnée d’infamie, troubler enfin toute la société, & conduire à la réprobation éternelle ?
Les loix se déclarèrent le plus fortement, l’édit du Préteur attacha l’infamie au métier de Comédien. […] Il est vrai que les Grecs n’avoient point de loix qui attachassent l’infamie légale au métier de Comédien. […] Ce peuple, le plus ingénieux, mais le plus frivole & le plus débauché qui fut jamais, ne connoissoit pas même cette punition d’infamie légale, fruit de la pureté & de la décence des mœurs & de la législation Romaine, à peu près comme si on vouloit prouver que les Comédiens ne sont pas excommuniés parmi les Chrétiens, parce qu’ils n’étoient pas excommuniés chez les Grecs.
« Il faudra que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière. […] On en appelle à cent autres pièces pleines d’infamie, et à la conduite des Acteurs qui y répond, et souvent à cent autres endroits de la même pièce, qui détruisent le peu de bien qui s’y est glissé. […] On a beau les parer de la pompe des vers, et les mettre dans la bouche de quelque Prince ; sont-ce moins des infamies, et n’en sont-elles pas plus dangereuses ?
Peut-il paraître au théâtre, que son état même l’oblige de proscrire, sans être censé l’autoriser, sans jeter dans la tristesse les gens de bien qui voient mépriser la vertu et triompher le vice, et remplir de joie les méchants, qui ont droit de s’autoriser dans leurs désordres par de si grands exemples, et sans tendre des pièges aux âmes faibles, dont on affaiblit les remords, et donner de l’audace aux Comédiens, dont on entretient et accrédite l’infâme profession par la même autorité qui l’a couverte d’infamie ? […] Elle nous fait voir, dit-on, que c’est depuis peu de temps seulement que les Ministres de l’Eglise usent envers la société d’une autorité arbitraire. » Enfin on tire une fausse conséquence de cette maxime vraie en matière criminelle « non bis in idem : Si l’Acteur et l’Auteur, dit-on, sont infâmes dans l’ordre des lois, il résulte de cette peine d’infamie, que la peine de la loi contre un délit détruit toute autre peine, parce qu’on ne doit jamais punir deux fois pour le même délit. ». Ainsi l’infamie prononcée par la loi contre les Comédiens les mettrait à couvert de l’excommunication de la part de l’Eglise.
Ces femmes étoient alors condamnées au mépris & à l’infamie, bannies de toutes sociétés honnêtes ; leur rang étoit marqué après la derniere classe des citoyens, leur nom n’étoit prononcé qu’en rougissant ; elles étoient non-seulement punies par le déshonneur, mais leurs moindres écarts les exposoient à la sévérité des loix, elles étoient renfermées dans des maisons de force, & rigoureusement châtiées. […] Mais aujourd’hui que la corruption des mœurs ennoblit, accrédite, couronne, comble de biens les actrices entretenues, les courtisannes ont une importance qu’elles n’eurent jamais dans aucun siecle ni dans aucun pays même païen : on les voit d’un œil indifférent ; c’est un mêlange de considération & de mépris, d’indignation & d’égards, d’infamie & d’éloge. […] Le Gouvernement a raison de laisser subsister l’infamie prononcée contre les comédiens, l’honnêteté publique l’exige ; c’est la loi de tous les temps, fondée sur l’opinion universelle. […] Le prévenu conduit par la Troupe au bord du Théatre, à genoux & la corde au cou, dira au parterre, avec une vive douleur : Méchamment & calomnieusement j’ai couvert la Comédie Françoise d’infamie & de ridicule. […] Mercier n’a point désavoué cet ouvrage injurieux, & que la Comédie ne peut avoir rien de commun avec un Auteur qui a cherché à la couvrir de ridicule & d’infamie ; qu’elle mériteroit les odieuses imputations de M.