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10. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE III. De la Comédie. » pp. 92-118

Pourquoi préparez-vous une excuse à un ridicule, disons mieux, à un vicieux impertinent, à un bourgeois orgueilleux et sot qui a l’impudence de se méconnaître au point d’oublier qu’il a une femme pour devenir le galant secret d’une Marquise, qui se sert de tous les moyens qu’il peut imaginer pour la séduire ; c’est de vous qu’on peut dire, « dat veniam corvis »cm . […] C’est une farce surchargée de traits si burlesques, qu’on ne pense pas à en tirer la morale qui en résulte, à savoir, que des Testateurs avares et cacochymes sont bien fous de s’imaginer que les empressements de leurs Légataires aient d’autre principe que l’intérêt de ceux-ci. Quoique vous en disiez, cette réflexion n’est pas plus difficile à faire en faveur de la Pièce, que toutes celles que vous avez imaginées contre elle, et vous êtes par conséquent le seul pour qui cette Pièce ait été dangereuse. […] Enfin croyez-vous que personne s’imagine qu’une pareille fourberie découverte, les acteurs en seraient quittes pour s’excuser sur la Léthargie de la dupe ? […] Si cependant parmi les arguments que j’ai négligés il s’en trouve quelqu’un qui vous paraisse plus puissant que ceux que j’ai attaqués, et si vous vous imaginez que j’ai évité prudemment d’y répondre, désabusez-vous : ils m’ont paru tous également faciles à vaincre, et je ne refuserai point de rentrer en lice si vous le jugez nécessaire : vous n’aurez qu’à m’en indiquer la nécessité.

11. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre V. Autres Mêlanges. » pp. 121-140

Voici une Anecdote de Moliere que l’on a oubliée : car il ne faut pas s’imaginer que cet homme aujourd’hui si vanté fit beaucoup de sensation dans son temps ; le Théatre alors méprisé étoit bien éloigné de l’éclat où il est parvenu. […] Mais c’est la plus complette extravagance que la folie humaine puisse imaginer. […] Cet amour platonique, que son enthousiasme pour le plus grand plaisir physique lui fait croire impossible, est la plus complette extravagance que la folie humaine puisse imaginer , quoique le divin Platon & l’admirable Fenelon l’ayent imaginé, sans être complettement extravagans  ; cet amour est pourtant celui des anges qui n’ont point de corps, celui des saints pour Dieu qui n’est qu’un pur esprit, celui que Dieu demande de tout l’esprit, de tout le cœur, de toute l’ame, de toutes les forces ; c’est l’amour des ennemis, si fort recommandé dans l’Evangile, où n’entre pour rien le plus grand plaisir physique. […] Il n’y a gueres que l’envie d’accréditer Lucrece & sa morale, sous les auspices du pere du Théatre, qui ait pu faire imaginer cette anecdote.

12. (1725) Mr. de Moliere [article des Jugemens des savans] « Mr. de Moliere, » pp. 339-352

Il faut être bon jusqu’à l’excès pour s’imaginer qu’il ait travaillé pour la discipline de l’Eglise & la réforme de nos mœurs. […] Rosteau prétend qu’il étoit également bon Auteur & bon Acteur, que rien n’est plus plaisamment imaginé que la plupart de ses Piéces ; qu’il ne s’est pas contenté de posséder simplement l’art de la bouffonnerie, comme la plupart des autres Comédiens ; mais qu’il a fait voir, quand il lui a plu, qu’il étoit assés serieusement savant2. […] Pradon qui s’est imaginé que par cette légére censure on avoit voulu profiter de la mort du lion pour lui tirer les poils, prétend1 que Moliere n’est pas si défiguré dans le Scapin qu’on ne l’y puisse reconnoître.

13. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre III. Recherches nécessaires pour s’éclaircir si les Anciens ont connus l’Opéra-Bouffon. » pp. 101-108

l’on pourrait penser que les modernes ont seuls imaginés ce nouveau genre de Drame ! […] Si l’on m’objectait qu’il est absurde d’imaginer que l’Opéra-Bouffon ait éxisté chez les Anciens, puisqu’on n’en rencontre nulle part aucune trace, & que l’Histoire n’en dit point le moindre mot ; je ne serais pas long-tems à chercher ma réplique, la voici.

14. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — Méthode et règlement pour réformer le Théâtre. Avant Propos. » pp. 87-98

Ils ajoutent que ces mêmes Pères ne pouvaient imaginer, pour lors, que les Spectacles prendraient quelque jour une autre forme et deviendraient des Ecoles de la vertu, tels enfin que des Chrétiens pourraient les représenter ou y assister, sans blesser en rien ni leur conscience, ni leur religion : d’où ils concluent que les vives déclamations des Anciens Pères, contre le Théâtre de leur temps, ne prouvent rien contre les Spectacles d’aujourd’hui. […] Sans être soutenues, comme autrefois, par la somptuosité des Théâtres, elles ont eu le bonheur de revivre, telles que les Grecs et les Latins les avaient imaginées.

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