C’est un tissu d’images fort sales, sur lesquelles, à la faveur d’une gaze légere, on tient l’imagination toujours attachée, mêlé de guerres philosophiques, très-ridicules, entre des Professeurs de Dialectique, qui se battent, comme les anciens Preux dans les tournois.
Se reconnoîtroient-ils dans leurs images & dans leurs enfans ?
On pourroit impunément les heures entieres avoir l’esprit & le cœur attaché à des intrigues amoureuses, toujours souillé par des images, ému par les sentimens les plus vifs, l’imagination toujours remplie de beauté, de plaisir, d’obstacles, de succès, l’oreille frappée de discours galans, & de sons tendres & harmonieux, toute l’ame occupée de situations attendrissantes & délicieuses, & au milieu de tous ces pieges, les objets les plus immodestes continuellement sous les yeux, sans être séduit par l’erreur, & entraîné par la passion, sans apprendre à cette école à mépriser, à braver la pudeur qui retient, la loi qui défend, le remords qui trouble, le péché qui effraie, en entendant cent fois dire & redire, chanter avec grace, débiter avec assurance, déclamer avec feu, exécuter avec goût cette morale anti-chrétienne, si conforme à la nature, canonisée dans le monde, si agréable à un cœur corrompu, qui fait du crime un mérite, de la résistance un ridicule, de la volupté un besoin, de la passion une nécessité !
J’avoue que c’est là l’image naturelle du monde, où la plupart des hommes ne se montrent qu’en masque, depuis le plus hupé courtisan jusqu’au plus petit bourgeois de village & à la derniere soubrette.
Les images qu’elle en a si souvent devant les yeux, ne representent-elles pas à son esprit, à la moindre application qu’elle voudra faire aux choses de son salut ?