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38. (1680) Entretien X. Sur la Comédie « Entretien X. sur la Comedie » pp. 363-380

Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se déclame, & qui voyent le spectacle d’une comédie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’i-imagination des images, & des representations moins honnêtes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ? […] Elle, qui sans cela peût-être n’auroit jamais sçeü ce que c’est, que du mal, & qui n’en avoit, ny la pensée, ny les idées, le voyant alors si bien dépeint sur le Théatre avec toutes les couleurs, de la parole, d’une expression douce, & de la déclamation ; Elle, dis-je, commence à sortir de la sainte ignorance, où elle estoit, &, ce que la nature ne luy avoit pas encore apris, des Comediens, & des Comediennes le luy aprennent, comme les nouveaux Maîtres de son premier mal-heur. Ce mêtier, apris à une si méchante école, étant secondé, par les inclinations naturelles, & ne laissant, que les idées d’une douceur efféminée, ce jeune homme, & cette jeune fille, commencent à mettre en pratique, ce qu’on leur a si bien enseigné sur le Théatre : L’innocence est attaquée, l’on aime sa foiblesse dans l’attaque, & en suite arrivent les grandes chûtes, à qui la comédie a donné les commencemens. […] Car de penser, que parmi tant de charmes pour les yeux, & pour les oreilles, que présente le Théatre, l’on puisse y estre avec un cœur invulnérable, & une pureté toûjours exacte & délicate, c’est une idée, & tout ensemble une témérité, qui mérite, que l’on perde, ce que l’on prétend conserver. […] Comment donc une personne, qui fréquente le Théatre, sera-t’elle capable d’aucun sentiment Chrêtien, ne remportant de là, qu’une teste pleine d’idées douces, & charmantes, & de toutes les passions foles, & imaginaires, que la déclamation d’un Comédien luy a pû representer ?

39. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre treizieme « Réflexions morales, politiques, historiques,et littéraires, sur le théatre. — Chapitre [V].  » pp. 156-192

Cette idée seroit absurde. […] Voilà l’idée de S.  […] Ces idées sont dans tous les livres de piété ; mais S.  […] Quelle confusion d’idées, quelle foule de desseins, quelle cohue de passions ! […] Ces idées sont fréquentes dans l’Ecriture.

40. (1764) De l’Imitation théatrale ; essai tiré des dialogues de Platon : par M. J. J. Rousseau, de Genéve pp. -47

Pour imiter une chose, il faut en avoir l’idée. Cette idée est abstraite, absolue, unique & indépendante du nombre d’éxemplaires de cette chose qui peuvent exister dans la Nature. Cette idée est toujours antérieure à son exécution : car l’Architecte qui construit un Palais, a l’idée d’un Palais avant que de commencer le sien. […] Premierement le modèle ou l’idée originale qui existe dans l’entendement de l’Architecte, dans la Nature, ou tout au moins dans son Auteur avec toutes les idées possibles dont il est la source : en second lieu, le Palais de l’Architecte, qui est l’image de ce modèle ; & enfin le Palais du Peintre, qui est l’image de celui de l’Architecte. […] Le premier Palais est l’idée originale, existante par elle-même ; le second en est l’image ; le troisième est l’image de l’image, ou ce que nous appellons proprement imitation.

41. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Les spectacles sont incompatibles avec la piété, ils remplissent l’ame de passions, l’esprit d’idées, le cœur de sentimens qui la détruisent . […] Voici l’idée que donne de l’opéra Fontenelle lett. […] Cette idée d’une Venus vertueuse, d’une espèce de sainte au goût des femmes, digne des autels, d’un amour platonique ; son fils Cupidon, lien sacré des cœurs vertueux sans que la grossiéreté des sens y eut aucune part. […] Autre idée plaisante, elle attribue leur taciturnité à Calvin, homme très-taciturne, qui la leur avoit inspirée avec ses erreurs ; c’est la première fois qu’on a dit que l’hérésie eut cette influence sur le caractère de ses sectateurs. […] Frivolité d’idées, frivolité de langage, frivolité de caractère, frivolité de conduite ; on glisse sur tout ; la plus légère ressemblance suffit pour lâcher quelque saillie, quelque compliment qu’on croit un bon mot, qu’on juge élégant, qui amuse un instant.

42. (1715) La critique du théâtre anglais « PREFACE DE L’AUTEUR » pp. -

En effet, il ne faut pas attendre de l’homme qu’il réprime ses injustes penchants, ni qu’il renonce à ses plaisirs, quand nul motif ne l’engagera à se faire ces violences : il ne se mettra guère en peine de la vertu, si elle est sans récompense : la voix de la conscience ne l’inquiétera guère, si ce n’est qu’une idée en l’air, un fantôme, un effet de la mélancolie. […] Il est certain que les choses dans la vie dépendent beaucoup des noms qu’on leur attribue : par exemple on ne pare point d’un beau nom un indigne caractère, sans en déguiser l’idée naturelle, sans faire illusion à ceux qui ne sont pas assez sur leurs gardes, et sans les attirer par là dans le piège.

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