Ce serait nous couvrir d’un honneur qui ne nous est pas dû, & trop mépriser les Anciens. […] Il fesait aux Mimes d’un certain Sophron le même honneur que rendait Aléxandre à l’Iliade d’Homère ; il les portait toujours avec lui, serrée précieusement dans une boëte, & les mettait la nuit sous son chevet.
On n'y reconnaît plus ces Anciens Prêtres, Ministres de l'Idolâtrie, comme Souverains Pontifes, ce n'est plus à l'honneur de quelques fantastiques Divinités que nos Poètes et nos Acteurs consacrent leurs travaux, ni qu'ils rendent des actions de grâces, quand ils y reçoivent des applaudissements ; Tous leurs soins ne vont qu'à complaire à la Cour de France et à la Ville de Paris, et leurs remerciements ne sont que pour les bienfaits dont nos Princes les honorent. […] exemples de plus loin, on sait que dans les derniers temps les Spectacles étaient en si bonne estime, et si fréquentés qu'il y avait deux places d'honneur dans le Théâtre, l'une à la main droite pour le Pape, et l'autre à la main gauche pour l'Empereur, et que les Vénitiens ayant fait l'accommodement d'Alexandre III et de Frédéric II reçurent du Pape plusieurs privilèges, en reconnaissance de la retraite qu'ils lui avaient donnée, et de la pacification des affaires d'Italie, et entre autres le droit d'avoir la troisième place pour leur Duc du Théâtre du Pape.
Les prêtres n’y exigent point des acteurs l’abjuration de la profession de comédien pour les faire participer aux sacrements et aux prières de l’église, et pour les admettre aux honneurs de la sépulture en terre sainte. […] Il ne faut que de la bonne foi pour saisir cette question, afin de prononcer si les acteurs de comédie, eu égard à la religion, doivent être considérés à l’égal des autres citoyens et comme ayant, aux mêmes conditions, les mêmes droits aux prières et aux honneurs de l’église.
Il y a encore un autre grand mal qui se commet et tolèrea, principalement en votre ville de Paris, aux jours des Dimanches et fêtes, lequel est d’autant plus grand préjudice à l’honneur de Dieu, et à la sanctification de ses fêtes que aucun autre, et qui est plein d’un si grand abus, que je l’estime (avec les plus sages) suffisant pour attrainerb toutes les malédictions de Dieu sur vous et sur votre Royaume, spécialement sur ladite ville de ParisJeux et spectacles tolérés dans Paris aux jours de fêtes. […] , et plus pompeux que n’étaient anciennement les grands marchands : et voilà comment ces jeux de l’Hôtel de Bourgogne ont bien opéré pour retirer le peuple des vices, voilà la profession de piété qui se fait à Paris sous votre autorité, et de vos Magistrats : voilà la désobéissance générale par tout votre Royaume au Commandement de Dieu écrit en la première table, lesquelsm ne regardent que Dieu, son honneur, et son service.
Il est singulier que l’Opéra-Bouffon ait aussi l’honneur de troubler les meilleures cervelles. […] Les hommes de génie qui font le plus d’honneur à la France, sont aussi de zélés partisans du Théâtre Italien. […] Le sublime Voltaire, tant applaudi & tant critiqué, fut toujours partisan de la Musique ; malgré tous ses lauriers, il brigua l’honneur de joindre ses talens à ceux de Rameau. […] Soiez-en sûrs, vous applaudissez un genre ridicule, il se répand alors, chacun veut avoir la gloire d’y travailler ; il coute moins de peine qu’une Tragédie, rapporte autant d’honneur & presqu’autant de profit ; c’en est assez pour que tous les Poètes vivans l’adoptent d’un commun accord.