Le Théâtre dépouille ces passions de tous ce qu’elles ont de grossier ; il ne fait paroître que celles qui ont une fin honnête, & qui ont le mariage pour but.
La crainte que nous avons que les Comédies qui se représentent utilement pour le divertissement des peuples, soient quelquefois accompagnées de représentations peu honnêtes, qui laissent de mauvaises impressions dans les esprits, fait que nous nous sommes résolus de donner les ordres requis pour éviter tels inconvénients.
Il les regarde comme un amusement indifférent en foi, honnête même par le motif qu’on s’y propose, & qui tout au plus deviendroit criminel par le danger qu’on pourroit y courir ; mais danger à présent, dit-on, chimérique, le théâtre étant épuré comme il l’est de nos jours. […] POur qu’une chose puisse être regardée comme indifférente en elle-même, il faut, Messieurs, en premier lieu, qu’elle ne soit défendue par aucune loi ; secondement qu’on puisse, en lui donnant un motif honnête, la déterminer à quelque espece de vertu. […] S’ils peuvent être rapportés à quelque fin véritablement honnête. […] On prétexte toujours la modestie du théâtre de nos jours ; & moi, je dis, en premier lieu, que ce spectacle si chaste, si honnête en apparence, est le plus sûr écueil de l’innocence. […] Oui, je consens, disoit Tertullien, que tout soit dans vos spectacles simple, charmant, même honnête.
Il n’est pas honnête, dit Cicéron, de s’exercer contre les Dieux, même par jeu d’esprit, nous ne devons point nous divertir à leurs dépens, ni jouer la vertu. […] Enfin il traite fort au long tous les péchés d’impureté, & puis, dit-il, les fards bravetés & ornemens lubriques sollicitent au crime comme de l’huile jetée au feu ; il ne faut douter que toutes ces choses ne soient fort déplaisantes à Dieu & contraires au commandement, à l’honnêteté & modestie chrétienne ; que les femmes, dit Saint Pierre, s’acoutrent en habit honnête & avec modestie, non en tresses en or, en perles, en vêtement somptueux ; quand elles viennent à l’Église qu’elles ayent la tête couverte, rien ne manifeste plus le cœur d’une femme que l’ornement d’icelle, on peut y voir au moins comme en miroir & lire comme en un livre, les habits comme la bouche parlent de l’abondance du cœur ; les femmes sont meurtrières d’ames quand elles viennent à l’Église elles ouvrent leurs coffres & arches (boëte) pour mettre l’or & montrer & porter tout ce qu’elles ont de beau & de brave, comme si c’étoient des Merciers qui y apportassent leurs merceries à la foire ; on diroit qu’elles veulent se moquer de Dieu, & lui reprocher sa pauvreté & misère. […] Ne m’allez pas dire que lorsqu’une honnête femme a tant fait que de renoncer à son devoir, elle doit être plus furieuse qu’une autre ; que les combats qu’elle a essuyé avant de se rendre, la font devenir une fois plus sensible à l’infidélité qu’on lui a fait, qu’une honnête femme à qui il en coûte pour se laisser vaincre, veut jouir de la peine qu’elle a eue à se défendre, & que ne voulant pas tous les jours recommencer les frais d’une passion, il lui est permis d’enrager lorsqu’elle en perd les fruits. […] Il y a tom. 2, une lettre singulière d’une femme à Ovide où elle lui fait des reproches d’avoir peint la Déesse Venus sans pudeur & sans vertu ; c’est une querelle faite injustement à ce Poëte qui n’est point l’Auteur du portrait de Venus, & se seroit fait siffler s’il en avoit fait une honnête femme.
V. « Supposé, dit encore Tertullien, qu’il y ait dans les spectacles quelque chose d’honnête, de généreux, etc. les Chrétiens ne les doivent regarder que comme un miel envenimé dont ils ne peuvent goûter, sans courir le péril de se donner la mort. […] » veux, dit-il, que dans ces spectacles tout y soit honnête et généreux ; néanmoins ne laissez pas de considérer ce qui s’y passe comme des rayons de miel tirés d’un vase envenimé, et que l’amour du plaisir n’ait pas tant de pouvoir sur vous, que la crainte qu’il y a dans sa douceur. […] L’on détruit souvent ce qu’il y a d’honnête dans ce qui fait la matière de la Comédie, par des discours profanes pleins de dogmes et de maximes païennes ; et bien loin de purifier le Théâtre par des sujets honnêtes qu’on y représente, on profane au contraire l’honnêteté des sujets par des fictions d’amour, par des paroles lascives ou trop libres qu’on y mêle. […] » . « Je veux, dit-il, qu’il y ait des choses honnêtes dans les spectacles, mais c’est un artifice du démon. […] » ce Père, une si grande différence entre une musique honnête et celle qui ne l’est pas, que cela vous doit exciter à fuir celle qui est maintenant en usage avec autant de précaution, que vous fuiriez une chose très honteuse.