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86. (1731) Discours sur la comédie « a tres-haut et tres-puissant seigneur, monseigneur louis-auguste d'albert d'ally, duc de chaulnes, pair de france. » pp. -

On ne sera point étonné de voir, MONSEIGNEUR, votre illustre nom à la tête d’un Livre contre les Spectacles ; il y a longtemps qu’on vous voit allier les talents militaires avec les vertus Chrétiennes ; le même Seigneur, qui dans les Batailles d’Oudenarde et de Malplaquet, signala sa valeur, est compté pour un Héros du Christianisme.

87. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Voilà les héroïnes que forme la scène. […] Une Reine qu se fait coucher, lever, habiller, déshabiller, rendre toute sorte de services par des hommes est un phénomène fort singulier ; mais des savans, mais des flatteurs qui en font une Héroïne, une Sainte à qui les termes manquent pour la louer dignement, sont-ils moins singuliers ? […] Langage non-seulement impie, mais très-indécent dans la bouche d’une Reine, d’une Héroïne de la Religion, d’une Savante, dans un pays, dans une Cour très-Catholique ; on n’en étoit pas moins mécontent à Rome qu’à Paris, Le Pape en fut choqué, & pensoit à la mortifier, elle fit quelque voyage en Allemagne pour laisser passer l’orage, & revint un peu plus circonspecte mourir à Rome. […] Le théatre eut-il jamais de tragédie aussi bisarrement atroce, & si jamais quelque Shakespear s’avisoit de mettre Christine & Monal Deschi sur la scène, ne craindroit-il pas de se déshonorer & de révolter tout le parterre, ne fut-il composé que des cannibales, s’il faisoit venir un Mathurin donner l’absolution à cet amant infortuné par l’ordre d’une si barbare & si ridicule Héroïne. […] Le masque fane, l’homme reste & le héros s’évanouit.

88. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre premier. Remarques Littéraires. » pp. 11-51

Le principal héros, presque enfant au premier acte, tombe dans la caducité avant la catastrophe. […] Des héros au ton guindé s’entretiennent avec des valets, dans le style le plus grossier. […] Bitaubé avoue de bonne foi la défaite de son héros, dont tous les jours ce mauvais goût flétrit les lauriers. […] Les nôtres, il est vrai, ne sont pas si divines ; mais ce sont toujours des héros, des princes, qu’il faut aussi faire parler le plus noblement qu’on peut. […] Ces héros, ces dieux, ces princes de la scène ne sont pas indifférens à la recette : ils ont fait un procès à des morceaux de bois.

89. (1843) Le Théâtre, par l'Auteur des Mauvais Livres « Le Théâtre. » pp. 3-43

Mais tout cela, dira-t-on, paraît sur le théâtre comme une faiblesse, « Quand on l’accorderait ainsi, aux défenseurs des spectacles, ils ne pourraient nier qu’il y paraît comme une belle, une noble faiblesse, comme la faiblesse des héros et des héroïnes, enfin comme faiblesse si artificieusement changée en vertu qu’on l’admire, qu’on l’applaudit sur tous les théâtres, et qu’elle doit faire une partie essentielle des plaisirs publics ; et cette noble faiblesse de quelque manière qu’on la tourne et qu’on la dore, dans le fond, ce sera toujours, quoiqu’on puisse dire, la concupiscence de la chair. […] Onze personnes sont assassinées par leurs amans ou leurs maîtresses, et dans six de ces pièces, le héros principal est un bâtard ou un enfant trouvé ; et toute cette masse d’horreurs a été entassée par deux auteurs parisiens dans six drames créés dans un espace de trois ans ! […] Le mal, le danger est dans la pensée intime, qui représente tous les crimes comme des faiblesses presque pardonnables, presque louables, et dont on a soin de doter généreusement le héros ou l’héroïne.

90. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

O paganisme, vous qui avez déifié le vice, qui avez introduit la licence des mœurs parmi vos dieux même, qui méliez le récit des plus dégoûtantes abominations aux éloges de vos héros ! […] Mais dans les états où les héros ne sont point des êtres surnuméraires, où les armes doivent affermir la sécurité publique, et maintenir la gloire nationale, une telle indifférence supposeroit l’extinction de toutes les lumières politiques. […] On verroit une multitude de misérables se plaindre que le théâtre a desséché tous les cœurs, que les larmes de la commisération sont taries et ne coulent plus que pour les malheurs romanesques des héros du libertinage ; que tandis qu’une seule déclamation mimique produit à un saltimbanque des sommes immenses11, de pauvres artisans courbés sous le travail le plus rude, ne gagnent point de quoi prévenir l’opprobre de la mendicité ; que tout ce que la charité distribuoit autrefois dans les repaires obscurs où l’indigence se cachoit sous la honte, est absorbé aujourd’hui dans le tourbillon des farces12. […] Quels guerriers, quels héros peut-il se flatter de produire quand les esprits et les cœurs sont flétris par un même genre d’avilissement, de lâcheté et d’abjection ? […] Les nations ont imaginé toutes sortes de titres pour illustrer la mémoire des héros ; il en est un jusqu’ici inconnu, destiné au nouvel Alcide qui abattra le mimisme ; celui de restaurateur de l’espèce humaine. » Tel est, s’il m’est permis de lever un moment le voile de l’avenir, le discours que quelque puissant ami de l’humanité adressera un jour à un prince que la réforme des grands abus n’effraie pas.

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