On a déjà dit pour défense, Qu’il y avait différence de Spectacles chez les Grecs et chez les Romains ; Que véritablement les représentations qui se faisaient en postures, en grimaces, et en danses, étaient lubriques et déshonnêtes, et n’étaient exécutées que par les Histrions et Pantomimes qui étaient les Bouffons ou bateleurs de ce temps-là, et qu’il n’y a point d’apparence de croire que ces sortes de gens fussent mis au rang des personnes d’honneur ; mais qu’il y avait des Comédiens sérieux qui ne représentaient que des Tragédies ou Tragi-comédies pleines de raisonnements Moraux et Politiques, et que c’était ceux-là qui n’étaient pas notés d’infamie comme les autres ; Qu’un Roscius Comédien qui a été tant estimé, pouvait être de leur bande ; Que c’était chez lui que les jeunes Orateurs de Rome allaient étudier le geste et la prononciation ; Qu’il était un des plus honnêtes hommes de la Ville, et que Cicéron ayant pris la peine de le défendre en une Cause, avait parlé de lui fort avantageusement ; Mais quoi que en effet ce Roscius ait été vertueux, s’ensuit-il que tous les autres Comédiens de son temps le fussent, et qu’ils lui ressemblassent en son mérite personnel ?
Et en répondant à l’exemple de David qui a dansé devant l’Arche ; il dit, que cet exemple ne favorise en rien les Chrétiens qui assistent au Théâtre : « Nihil adjuvat in theatro sedentes Christianos fideles », parce que dans la danse de David il n’y a rien de honteux, ni qui ressente la licence des scènes et des fables grecques. Mais il ne s’ensuit pas pour cela que saint Cyprien approuve « les Opéras et les Comédies d’aujourd’hui, et qu’il ne condamne que les Spectacles qui représentaient les fables en la manière lascive des Grecs et des Romains, et qui se célébraient en l’honneur des Idoles », ainsi que l’assure le Docteur. […] Saint Cyprien n’a pas condamné la danse de David ; donc il n’a condamné que les Spectacles qui représentaient des fables en la manière lascive des Grecs, et qui se célébraient en l’honneur des Idoles. […] Il faut donc faire voir à notre Docteur qu’il y a un milieu défendu entre la danse de David et les Spectacles honteux de la gentilité Grecque et Romaine. […] Que notre Docteur cesse donc de dire, « Que saint Cyprien n’a condamné que les Spectacles qui représentaient les fables en la manière lascive des Grecs et des Romains, et qui se célébraient en l’honneur des Idoles » ; puisqu’il s’explique si nettement au contraire.
f , Il nous suffira de dire que ce terme étant dérivé d’un verbe Grec, qui signifie voir ou regarder, emporte entre nous, selon l’usage commun, tous les lieux généralement où on s’assemble pour voir des Bateleurs, et Comédiens, qui montent sur l’échafaud. […] La première a été celle des Massiliens, aujourd’hui Marseille, ancienne Colonie Grecque, fondée plus de six cents ans devant J.C. et dont Valère Maxime Valère-Maxime [Dits et faits mémorables], lib. 2. cap. 6. […] Mais nous passons des Grecs aux Romains, qui avec le temps s’étant épris du même ésir de ces récréations, Si est-ce que l’autorité publique y résista autant qu’elle put. […] Il y a au Grec le propre mot de κωμοις, Comois, dont plusieurs des doctes ne font nul douteco que les Comédies ne prirent leur nom. […] db qu’un faiseur de Tragédies Grec, qu’il nomme Theodotus, ayant voulu adapter quelque chose, tiré des Ecritures divines, à une pièce qu’il composait, Dieu l’en punit sur le champ, et lui ôta l’usage des yeux.
Je prie d’observer aussi que je ne me suis permis cette discussion tardive ou réchauffée sur cet auteur respectable, dont on ne peut lire les principaux ouvrages sans admiration, qu’enhardi par la pensée que malgré tout ce qui en a été dit, on pourra encore le discuter sous quelque rapport, même dans des siècles, comme nous le faisons tous les jours des anciens auteurs grecs et latins les plus fameux ; et me sentant d’ailleurs soutenu, quant au fond, par de grandes autorités, par celles de Labruyère, de Racine, du président de Lamoignon, de Bourdaloue, des savants de Port-Royal et d’autres, qui en ont parlé dans le même sens, qui ont combattu la comédie en question à sa naissance, et l’ont jugée dangereuse unanimement, par des présomptions, par des calculs de probabilité seulement, et sur qui j’ai donc l’avantage du temps, de plus longues observations, des faits, ou de raisons positives, en un mot, de l’expérience.
Suivons l’exemple des Grecs & des Romains ; ils ne craignaient pas de trop multiplier les Spectacles ; ils allaient applaudir tour-à-tour la Tragédie, la Comédie & les Mimes.