Les familles font semblant de craindre les exhortations d’un Moine qui séduit les enfans & leur donne la vocation religieuse, & elles ne craignent pas les vocations théatrales que donnent les pieces & les Actrices, en les éloignant du mariage & les rendant malheureux. […] c’est le poison de tous les plaisirs, & on ne consulte pas même les intérêts de famille, les arrangemens utiles qui assortissent les établissemens, les volontés des parens, qui plus éclairés, moins prévenus, peuvent plus sagement balancer les inconvéniens & les avantages. […] Mais, dit-on, voilà bien du bruit sur la liberté du mariage des enfans de famille. Demandez si j’ai tort à tous les parens à qui les folles passions de leurs enfans causent les plus vives inquiétudes, le déshonneur, la ruine de leurs maisons ; à ces enfans eux-mêmes, lorsque leur passion rallentie ils voient l’abyme où ils se sont jetés, & sont ensuite plus délicats & plus attentifs sur le sort de leur famille, & plus fermes à refuser ce qu’ils avoient recherché avec le plus d’ardeur. […] On abolit toutes les loix si sagement établies pour la décence & la sûreté des mariages, toutes à l’avantage des contractans & de leurs familles ; on y approuve, on y conseille, on y ménage les mariages clandestins, si rigoureusement punis par toutes les loix, pour éviter les surprises de la séduction, & arrêter l’aveugle précipitation d’une jeunesse aussi folle qu’emportée dans ses passions.
L’Artisan qui travaille, n’y va pas ; le Magistrat, le Médecin, l’Avocat, l’Homme d’affaires, occupé de sa profession, le Père de famille, qui élève ses enfans, n’y vont guère. […] Les jeunes gens de famille qui les jouoient n’y souffroient pas des Acteurs publics, qui étoient infames. […] Les vices du peuple ont pénétré dans le sein des plus illustres familles. […] Il vient souvent dans son pays prendre les eaux, & voir sa famille à qui il fait du bien dans sa misere. […] Les familles les plus distinguées s’empressent d’ajouter à leurs titres cette auguste qualité, & en conservant soigneusement le parchemin dans leurs archives, quelque Savant en l’art héraldique ajoutera à l’écusson des ornemens qui la caractérisent, comme une marotte, un masque, un violon.
Ce fut donc parmi ces saltimbanque-funambules, bateleurs de tous les temps, que mes deux enfants distinguèrent une famille, qui sur leurs dispositions, n’hésita point à les admettre à leurs courses foraines. […] Ce couple honnête pouvait un jour faire deux bons chefs de famille ! […] Je veux parler d’une pantomime, jouée il y a une quinzaine d’années, sous le titre de la Famille savoyarde 7. […] Je m’éloignai en déplorant les suites d’une manie qui ne peut que devenir funeste aux familles, aux manufactures, en fortifiant dans la classe ouvrière un goût innocent dans son principe, instructif même pour ceux qui savent en mettre à profit la morale, mais qui finira par élever dans chaque faubourg des temples à la paresse et à la dépravation, si l’autorité ne se hâte d’arrêter ce torrent destructeur, qui menace d’entraîner dans son cours l’espérance de l’industrie nationale, le palladium, des saines doctrines, et jusqu’au moindre germe de toutes les vertus sociales. […] j’oubliais que le vertueux Mauduit périt victime de son amour pour ses princes, et que les cendres de tant de familles allèrent combler depuis peu des marais désignés aux décharges publiques.
Ce n’est pas ici un scélérat qui parle, c’est une femme d’honneur qu’on fait parler & agir, une mère dans sa famille, qu’on fait instruire ses enfans, & employer la séduction & le crime pour favoriser leur mariage. […] Il le prend chez lui avec son garçon, l’y garde malgré sa famille, lui donne sa fille & tout son bien ; au préjudice de son fils unique, chasse pour lui son fils de sa maison, se laisse gourmander par sa servante, &c. […] On auroit bien mieux réussi, en plaçant l’Imposteur dans une famille composée de gens sages & vertueux. […] d’actions toutes noires, dont on composeroit des volumes d’histoires, a-t-il pû échapper à toute une famille intéressée & attentive à le démasquer ?
Il en est de même dans les contrats, dans les testamens : le notaire, qui n’a aucun intérêt à la noblesse, & ne répond d’aucune des qualités des contractans, écrit ce qu’on veut ; sa fonction se borne à la date, aux clauses, au sens de l’acte, à l’assistance des témoins : mais il ne se charge point du nobiliaire ; c’est la famille qui se donne toutes les illustrations qu’il lui plaît. […] Un pere de famille, qui ne peut sacrifier le bien de ses enfans au soulagement des pauvres, a offert de donner à la Communauté des bals au profil des pauvres. […] A l’entendre, la corruption étoit générale ; il il ne s’épargne pas lui-même & sa famille, à l’exception de sa noblesse, dont il a la fatuité de se vanter à tout propos, quoiqu’il se moque de la prétendue noblesse, de presque tout le monde. […] Si Brioché s’étoit avisé de faire tenir école à ses marionnettes, & débiter des graves sentences, celles-la même dont on fait un si grand mérite à Lafontaine, formeroit-il des brillans éleves, des magistrats, des peres de familles, des négocians, des militaires, &c ? […] Négligence de sa famille, dissipation de son bien, duel donné, comédie satyrique, épigrammes malignes contre bien des gens, obscénités innombrables, censures perpétuelles du clergé, des prêtres, des moines, de l’Eglise, des choses saintes, la plupart triviales & plates.