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5. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XIX. Des Talens mal-à-propos attribués aux Comédiens. » pp. 45-62

Inutilement la chercheroit-on dans des sujets dont les pas sont comptés, les démarches assujetties à une loi étrangére, & qui doivent mouvemens, idées, expressions, enfin tout à autrui. […] S’il est des passages d’un mouvement à l’autre, qui soient difficiles, parce qu’ils s’entrechoquent ; ils sont marqués par des expressions coupées, par des idées interrompues, par la ponctuation. […] Dans le premier cas, il n’y a point d’idées, point de finesse, point d’expression même que l’Auteur, (nous ne parlons que de ceux qui méritent ce titre) n’ait comparées à d’autres, donc il n’ait balancé la force, la douceur & les effets. […] Que deviendra pour lors l’expression d’un sentiment qui demandera beaucoup plus de chaleur & de force que le premier ? […] Si ce même Auteur ajoute : « Que les larmes, que les fléxions touchantes fournissent au sentiment, sont encore plus puissantes que celles qu’il emprunte des expressions les plus énergiques. » Il n’a pas fait atention que les inflexions touchantes font dans l’esprit des expressions énergiques, qu’elles en fortent comme de leur source naturelle ; enfin, qu’elle ne touchent que parce qu’elles sont des plus énergiques.

6. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXI. Si les Comédiens épurent les mœurs. Des bienséances qu’ils prétendent avoir introduites sur le Théatre » pp. 86-103

Je ne vois plus que quelques expressions hazadées, ou même échapées sans dessein, qu’ils peuvent bannir de la scène. […] D’ailleurs cette délicatesse si scrupuleuse à ne pouvoir souffrir aucune expression qui fasse équivoque, est une preuve de la corruption du cœur, elle n’annonce donc pas la réforme. « On ne voit fur le Théatre, dirois-je aux Comédiens, que des mœurs pures, des expressions gazées, qu’un jeu modeste. […] Dans ses mains, toutes les expressions font image. […] Qu’une expression à qui l’on pourra donner un double sens, soit la seule propre à rendre une belle idée, & fournisse une rime riche.

7. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE II. Réflexions sur le titre de l’ouvrage intitulé : Des Comédiens et du Clergé, et sur les charlataneries littéraires, politiques et religieuses. » pp. 52-86

Il semble aujourd’hui qu’on ne fasse plus attention au contraste néanmoins frappant qui existe entre les expressions, les titres et les qualifications les plus respectables et les plus sacrées, comparés aux choses et aux personnes qui en sont décorées. […] Du reste, je n’attache aucune importance à de pareilles expressions, chacun peut les considérer comme des jeux de mots d’assez mauvais goût. […] Les éloquents ouvrages de cet auteur atrabilaire, que ses aveugles admirateurs nous proposent comme ceux d’un père de l’église, sont néanmoins remplis d’inconvenances et d’expressions de mauvais goût. […] Cette dernière expression n’a-t-elle pas aussi son genre d’éloquence ? […] De pareilles expressions, qui au moment où on les entend prononcer pour la première fois, produisent une forte sensation lorsqu’on y réfléchit profondément, m’en rappellent encore une autre qui n’a jamais été consignée, que je sache, dans aucun écrit ; cette expression ou ce jeu de mots si on veut, offre également d’un seul coup de pinceau le tableau effrayant des malheurs de la campagne de Napoléon à Moscou.

8. (1762) Apologie du théâtre adressée à Mlle. Cl… Célébre Actrice de la Comédie Française pp. 3-143

Le jeu dans nos usages, l’expression dans nos mœurs. […] Si la Piéce avoit un tour de représentation marqué, qu’elle joignit au caractére des rolles, le génie de l’expression : pourquoi l’Auteur seroit-il aussi inepté à la représentation ? […] Quand on parle ici de cette vérité célébre, il ne faut pas imaginer que ce soit l’expression naïve de ce qui se passe sous nos yeux. […] Les choses n’y sont-elles pas présentées avec plus de netteté, plus de force, plus d’expression, que dans tout autre cas quelque médité qu’il soit ? […] Tous les autres en un mot acquierent de l’ame, de l’expression.

9. (1694) Maximes et Réflections sur la Comédie « IV. S’il est vrai que la représentation des passions agréables ne les excite que par accident.  » pp. 10-18

Si le but de la comédie n’est pas de flatter ces passions, qu’on veut appeler délicates, mais dont le fond est si grossier : d’où vient que l’âge où elles sont les plus violentes, est aussi celui où l’on est touché le plus vivement de leur expression ? […] Si les peintures immodestes ramènent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment, et que pour cette raison on en condamne l’usage, parce qu’on ne les goûte jamais autant qu’une main habile l’a voulu, sans entrer dans l’esprit de l’ouvrier, et sans se mettre en quelque façon dans l’état qu’il a voulu peindre : combien plus sera-t-on touché des expressions du théâtre, où tout paraît effectif : où ce ne sont point des traits morts et des couleurs sèches qui agissent, mais des personnages vivants, de vrais yeux, ou ardents, ou tendres et plongés dans la passion : de vraies larmes dans les acteurs, qui en attirent d’aussi véritables dans ceux qui regardent : enfin de vrais mouvements, qui mettent en feu tout le parterre et toutes les loges : et tout cela, dites-vous, n’émeut qu’indirectement, et n’excite que par accident les passions ? […] Dites, que tout cet appareil n’entretient pas directement et par soi le feu de la convoitise ; ou que la convoitise n’est pas mauvaise, et qu’il n’y a rien qui répugne à l’honnêteté et aux bonnes mœurs dans le soin de l’entretenir ; ou que le feu n’échauffe qu’indirectement ; et que, pendant qu’on choisit les plus tendres expressions pour représenter la passion dont brûle un amant insensé, ce n’est que « par accident » c, que l’ardeur des mauvais désirs sort du milieu de ces flammes : dites que la pudeur d’une jeune fille n’est offensée que « par accident », par tous les discours où une personne de son sexe parle de ses combats, où elle avoue sa défaite, et l’avoue à son vainqueur même, comme elle l’appelle.

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