Les cirques, les amphithéatres, étoient des écoles, des exercices de futeur ; l’enchantement des Syrènes introduit la volupté dans les cœurs, la fait régner dans l’univers ; elle inspire les Poëtes dramatiques, & rend le métier de Comédien infame. […] on désire de douter, on doute ; on perd la foi, on devient ennemi de la vérité, on la combat ; on ne peut souffrir les Prédicateurs & les exercices de piété, on ne goûte que la dissolution ; on abandonne les sacremens, ou on les profane ; on se moque des choses saintes, &c. […] Oui, il y a péché de vous exposer sans nécessité au danger de perdre la grace ; péché d’autoriser par votre présence des assemblées où toute la morale de l’Evangile est renversée ; péché dans la complaisance que vous y prenez, quand vous seriez exempt de passion ; péché dans les suites inévitables, pensées criminelles, désirs honteux, rendez-vous infames, mysteres d’iniquité ; péché dans la perte du temps, on n’en trouve point pour des exercices de piété, & on passe les heures entieres à des amusemens frivoles ; péché dans le mauvais usage de l’argent qu’on y dépense ; péché dans l’état où ils mettent notre ame, dissipation d’esprit, éloignement des choses de Dieu, froideur pour la priere, amour du monde, &c. […] Toutes les méthodes, les règles, les conduites de la vie chrétienne qui enseignent les pratiques de dévotions, les exercices spirituels, les moyens de faire des progrès, les facilités & les obstacles à la vertu, n’oublient point la fidélité à fuit tous ces objets dangereux.
Quand on considère la dépravation des mœurs, qui fut toujours l’âme du théâtre, on regarde comme un paradoxe ridicule que les comédies aient été des exercices de religion pour honorer la Divinité, et les Acteurs une sorte de Prêtres chargés de ce culte. […] C’étaient à la fois des exercices de piété et des amusements ; voilà toute la mythologie en action, c’est l’olympe descendu sur le théâtre. […] La loi des douze tables, par piété ou par politique, rendit à Rome tous les spectacles des exercices religieux. […] Les sept têtes qui l’environnent sont les sept péchés mortels dont chacun y trouve sa matière et son exercice. […] Le théâtre fut d’abord parmi nous un exercice religieux.
Je doute fort, je l’avoue de bonne foi, que Jacob pensât à la danse lorsqu’il fit, en mourant, ces fameuses prédictions ; je doute encore que les amateurs de la danse soient assez érudits pour aller chercher un nom dans l’Hébreu, ni assez dévots pour en choisir un par préférence qui condamnât leur exercice. […] Je sais qu’il faut à l’homme une récréation pour délasser l’esprit, comme il faut du sommeil au corps pour réparer ses forces, que le dimanche a été établi de Dieu comme un jour de repos, & que dans cette vue il fait cesser les œuvres serviles ; je fais encore que l’exercice du corps est utile à la santé, mais ce n’est qu’un exercice modéré, un divertissement honnête ; l’excès est toujours pernicieux : Servandi corporis & animi gratia, non opprimendi. […] Les épines qui environnent le lys de la pureté, peuvent la déchirer ou la défendre ; l’austérité des règles, la vigilance des supérieurs, la modestie, la mortification, les exercices de piété sont des épines utiles qui défendent cette fleur ; les occasions qui perdent, le monde qui assiege, les attraits qui séduisent, sont des épines qui la déchirent. […] L’impureté n’est pas le seul péché qui s’y commette, il n’en est presque d’aucune espèce dont ces criminels exercices ne soient les suites. […] Cet exercice fût-il innocent, ne s’y mêlât-il pas des circonstances criminelles, ce qui est impossible, les excès qu’on y commet, le temps qu’on y perd, la peine qu’on y prend, l’argent qu’on y dépense, la passion avec laquelle on s’y livre, non-seulement sont des péchés, mais encore aux yeux de la raison des traits insensés & ridicules.
Il se doit conduire avec une grande douceur envers le penitent, luy faisant connoistre que le zele seul de son salut l’oblige d’en user ainsy, & luy imposant quelque exercice de penitence qui ait du rapport & de la proportion avec ses pechez, & avec sa condition : luy marquer un certain temps, durant lequel il doit prattiquer les exercices de penitence & de devotion qu’il luy ordonne ; & cependant prier, & gemir souvent devant Dieu pour luy, faire quelque mortification à son intention à l’exemple de Nostre Seigneur, qui s’est chargé de la peine deüe à nos pechez. […] Ce n’est donc pas perdre, mais gagner beaucoup que d’eviter ces perils : & ceux qui employent du temps aux exercices de penitence, & à l’humiliation pour se rendre capables de la veritable remission de leurs pechez, sont sans doute dans une voye plus seure, que ceux qui ne sont que les reciter, s’imaginant qu’une ombre de penitence & d’absolution est capable de les sauver. […] Et c’est ce qui a fait que nonobstant ces apprehensions qu’ils eussent pu avoir aussybien que nous, leur prattique ordinaire a esté de ne recevoir à l’absolution ceux qui avoient perdu par leurs crimes l’innocence de leur baptesme, qu’aprés les avoir fait passer par les exercices d’une longue & serieuse penitence. […] C’est parcequ’ils estoient persuadez que le meilleur moyen pour faire entrer les penitens dans la connoissance de leurs pechez, & pour attirer sur eux la misericorde de Dieu, estoit de les mettre dans l’exercice de la penitence & des bonnes œuvres avant l’absolution, pour procurer à leurs ames une guerison plus parfaite, & pour empescher les rechutes dans le peché.
Mais quand on trouverait quelque chose à redire dans cet exercice, y a-t-il condition au monde qui soit exempte de blâme ? Si c’était une chose si mauvaise et inutile que la Comédie, les Républiques les mieux policées en permettraient-elles l’exercice ? […] Aussi ceux qui ont publié la loi contre les Comédiens, voyant que cette loi n’était pas une barrière assez forte pour divertir les jeunes hommes de cet exercice, pour maintenir leur premier jugement, ils ont voulu rendre incapables des charges et des dignités ceux qui mépriseraient leurs Ordonnances. […] Que deviendrait enfin cette propriété de rire qui se retrouve en l’homme à la distinction des autres animaux, s’il ne se rencontrait quelque objet légitime pour donner exercice à cette puissance : C’est selon l’avis de GUILLOT-GORJU pour cette raison que nous estimons fous et insensés ceux qui rient pour rien et sans aucun sujet légitime : Si on veut donc condamner le plaisir de la Comédie, il faut aussi désapprouver le plaisir du Cours, des promenades, du récit gracieux des Histoires, de la Musique, des Tableaux et mille autres récréations qui ont été inventées, pour assaisonner les actions de la vie.