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2. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Pour suivre cette maxime, voyons d’abord quelle a été l’intention des Anciens dans l’établissement du Théâtre ; et examinons si les Modernes, en suivant leurs exemples, s’y sont proposés les mêmes vues. […] Les premiers Poètes dramatiques modernes prirent le Théâtre de Plaute et de Térence pour modèle ; et, parce que les Courtisanes, et surtout les Esclaves, n’étaient pas dans nos mœurs, et qu’ils s’imaginèrent peut-être que, sans les intrigues d’amour, le Théâtre serait insipide, comme j’ai dit autre part ;4 on chercha un exemple plus général de corruption dans les Latins, et malheureusement on le trouva. […] Après quelques temps le Théâtre se corrigea : on substitua, à ces amours déréglés, des amours qui ne tendaient qu’au mariage : mais, tout bien considéré, ces amours (que l’on appelle honnêtes) ne sont pas moins de mauvais exemples que les autres ; ils sont toujours traités sur la scène, sans bienséance, et en dépit des engagements des parents, ou de la volonté des Tuteurs. […] Je me contenterai d’en donner un seul exemple que je tirerai même du Théâtre du grand Molière, que j’admire si fort du côté de l’esprit et du génie. […] Si nos modernes ont introduit le mauvais exemple, et souvent même le scandale jusque dans la Comédie de caractère, qui est la plus instructive et la plus propre à la correction des mœurs, il faut convenir qu’il est absolument nécessaire de réformer le fond de notre Comédie, soit d’intrigue, soit de caractère.

3. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE V. Du principal motif de la Réformation du Théâtre. » pp. 49-58

Je pense, et je suis en cela d’accord avec les Auteurs les plus graves, que la vertu est, en grande partie, l’ouvrage de l’éducation, et qu’elle est principalement inspirée par les exemples et les préceptes. […] On commence, de bonne heure, par dire aux petits enfants, qu’ils doivent suivre l’exemple de leur père et de leur mère ; parce que tout ce qu’ils font est bien fait : ainsi quand ce sont les pères et les mères qui les conduisent aux Spectacles, ces enfants sont persuadés que non seulement il n’y a pas de mal, mais que c’est même un bien que d’y aller. S’il nous est ordonné de ne pas donner de mauvais exemples à la jeunesse, c’est parce que les enfants, n’ayant pas assez de lumière pour juger des choses par eux-mêmes, ni assez de force pour combattre leurs désirs, se laissent entrainer par les impressions de l’exemple, et ne peuvent, pour ainsi dire, éviter de se corrompre, si les exemples, qu’ils ont devant les yeux, sont mauvais : ajoutons que les Grands, les personnes élevées en dignité, les vieillards, etc. ont un grand ascendant sur l’esprit des enfants par le respect qu’on leur inspire pour eux, et que leur faiblesse leur fait naturellement concevoir : ainsi, lorsqu’ils voient assister au Théâtre toutes ces personnes respectables, ils ne peuvent s’empêcher de prendre, pour les Spectacles, un goût et un attachement proportionnés à l’idée avantageuse qu’ils se sont formés des Spectateurs.

4. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « La criticomanie. » pp. 1-104

J ai dit que je parlerais de plusieurs autres comédies ou entreprises de réformes, qui ont concouru à notre dissolution : j’en citerai encore de préférence quelques-unes du même auteur, par la même raison qui m’a déterminé à préférer l’exemple du Tartufe. […] L’exemple de Cléante leur rappelle continuellement qu’ils n’en seront pas moins estimés, que leur conduite imitée de la sienne sera également applaudie. […] La révolution qui a ruiné tant d’honnêtes gens fournit nombre d’exemples d’une pareille conduite qui est naturelle, qui a été celle de beaucoup d’émigrés élevés dans l’aisance, et qui doit être imitée par tous les malheureux faits pour exciter l’intérêt des particuliers et mériter des applaudissements et l’estime publique. […] On peut même voir aussi l’exemple en contradiction avec le précepte sans sortir de la comédie du Misantrope, dans laquelle, tout en recommandant l’indifférence, ou une latitude respectueuse et polie à l’égard des hommes pervers, on tourne impitoyablement en ridicule les simples torts de l’exacte probité, on accable de chagrin et de honte l’honnête homme sans fard et incorruptible ; on proscrit en lui tous ceux dont l’exemple et la censure redoutable préviennent tant d’excès plus dangereux opposés à ceux de l’austère vertu, excès dont les leurs sont un salutaire contrepoids. […] Elle donnait, ainsi que celle de Longueville, l’exemple et le ton d’une vraiment bonne compagnie, ce qui propageait et entretenait les bons principes.

5. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — IX.  » p. 4623

Il est vrai, mais vous les autorisez par votre exemple ; vous contribuez à leur faire regarder la Comédie comme une chose indifférente; plus vous êtes réglés dans vos autres actions, plus ils sont hardis à vous imiter dans celle-là. […] Vous participez donc à leur péché : et si la Comédie ne vous fait point de plaies par elle-même vous vous en faites à vous-même par celle que les autres reçoivent de votre exemple ; et ainsi vous êtes le plus coupable de tous. Les personnes du monde ne faisant point d'exemples ne sont presque coupables que de leurs propres péchés : mais ceux qui veulent passer pour vertueux, et qui pratiquent en effet quelques bonnes œuvres, sont coupables de leurs propres péchés et de ceux des autres ; et non seulement ils perdent le mérite de leurs bonnes actions, mais ils les empoisonnent en quelque sorte en les faisant servir à engager les autres dans le péché.

6. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

J’en prends pour exemples deux ou trois du même auteur : le Misantrope et l’Avare ; j’y ajouterai le Jaloux ou le C.c. […] D’ailleurs, le mal n’aurait été que suspendu, et serait tombé sur la génération suivante qui, privée par là de bons exemples, d’encouragements, ou d’instructions, serait devenue également la proie de l’école dominante de corruption. […] Les craintes inspirées, les exemples de punitions donnés confusément aux vicieux par le théâtre ne sauraient être aussi efficaces que les exemples de celles, bien autrement sensibles, donnés continuellement par la justice aux fripons et aux voleurs, qui cependant fourmillent toujours partout ; ce qui doit achever de persuader combien sont illusoires aujourd’hui les moralités théâtrales dont on fait le plus solide argument en faveur de l’exposition honteuse des crimes ; des iniquités, des égarements inouïs, de toutes les faiblesses humaines existantes et possibles. […] Pour en revenir au tartufe, je le prends encore pour exemple. […] L’exemple ou l’opinion des anciens ne peut pas servir d’argument contre la mienne ; car, d’autres temps, d’autres mœurs ; d’autres mœurs, d’autres moyens de diriger les hommes.

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