On a beau couvrir les acteurs & les spectateurs d’or & d’argent, ce sont des enfans qui vont à cheval sur un bâton, & des enfans qui s’en occupent bien plus à plaindre que des enfans.
Qu’on le demande à ces enfans dociles qu’une éducation chrétienne avoit garantis des impressions précoces du vice, et que l’imprudence des parens a conduits comme des victimes sur l’autel de l’histrionisme : que dis-je ? […] Jérôme, la proie de la licence publique (victimæ libidinum publicarum) ; peu sensibles de voir des êtres usés par le vice en représenter les moyens et les effets, ils ont été ravis de voir employés à cette représentation les enfans de leurs concitoyens. […] Vous avez établi des lois sages et sévères contre ces monstres de nature qui trafiquent de leurs enfans, qui sacrifient le sentiment précieux de la paternité à la bassesse de l’intérêt. […] Voyez la Magia opératrice de Torreblanca, chap. 18… Horace fait aussi mention de cette détestable gloutonnerie des Lamies, et des pauvres enfans qui respiroient encore dans leur estomac. […] Quelle porte ouverte aux enfans pauvres, paresseux, libertins, que celle des théâtres !
Est-il possible qu’il n’y ait nulle bien-seance à garder dans un êtat, qui nous éleve jusqu’à la divinité, qui nous fait enfans de Dieu par adoption ? […] Les enfans de ces premiers enfans de l’Eglise, auxquels les Païens n’avoient point d’autres reproches à faire, si ce n’est qu’ils ne paroissoient point dans le Cirque, qu’ils fuïoient le teatre & les spectacles publics, qu’on ne les voïoit ni couronnez des fleurs, ni vêtus de pourpre, qu’ils aimoient la pauvreté, & qu’ils avoient horreur des charges & des honneurs ! […] Mais qu’el est vôtre desespoir de porter ainsi le poignard dans le sein de vos enfans ?
Les Comediens donc & les Comediennes sont des enfans de douleur à nôtre Mere la sainte Eglise, ils la font rougir, & la deshonorent. Hé, Madame, si vous aviez le malheur qu’un de vos chers enfans par des saillies indignes de sa naissance vous fût un objet d’opprobre, permettriez-vous, que vos autres enfans approuvassent ses manieres, & qu’ils agissent de concert avec lui pour vous marquer d’infamie ? Comment donc osez-vous par vôtre presence animer ces indignes enfans de l’Eglise, qu’ils continuent à faire gémir leur sainte Mere ?
D’un autre côté, Fatime est Chrétienne, & il n’est pas dans les mœurs Turques, de confier des enfans qu’ils ne manquent jamais de faire élever dans leur Religion, à des Esclaves Chrétiens. […] A-t-on jamais vu un tel chagrin dans les enfans ? […] Il est formé sur de simples incidents, comme dans Œdipe, sur l’oracle ambigu d’Apollon, & dans Athalie, sur le songe de cetre Princesse ; sur des passions comme dans le Cid, sur l’amour de Rodrigue pour Chimene ; ou sur des incidents & des passions, comme dans Rodogune, sur le droit d’aînesse, que Cléopatre promet de donner à l’un de ses enfans jumeaux ; sur la haine de celle-ci pour celle-là ; & sur l’amour des deux jeunes Princes pour Rodogune. […] On fait paroître & mourir Luzignan, dès qu’il a vu ses enfans. […] L’inquiétude même où ce tendre pere étoit de savoir si sa fille abandonnoit une fausse Religion pour la vraie, y auroit encore contribué ; mais on vient de voir un Prince rassuré sur la foi de sa fille, exciter ses amis à partager sa fermété, remettre son sort & celui de ses enfans entre les mains de son Dieu ; & tout-à-coup ce Héros oublie son intrépidité, succombe à sa joie, & expire.