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85. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE V. Des Jésuites. » pp. 108-127

Ainsi, sans s'en apercevoir, toute une ville deviendra peu à peu comédienne par goût, bientôt elle appellera des troupes d'Acteurs, et bâtira des théâtres. […] En s'accoutumant à jouer un petit jeu, on deviendra grand joueur, les petites fêtes multipliées feront aimer la bonne chère, l'affectation des petites parures amènera le luxe et le faste, etc. […] Qu'il cesse de parer de tous ses charmes la volupté, et d'en faire goûter la corruption, il perdra tous ses protecteurs, et deviendra un tyrannicide. […] les hommes sont-ils devenus plus appliqués à leurs devoirs et plus délicats sur la réputation ? […] Lorsque le Magistrat touche la porte du lieu sacré, il devient particulier : c'est vous qui commandez au-dedans par une loi divine, à laquelle on ne peut résister sans arrogance.

86. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE V. Remarques sur L’Amphitryon, Le Roi Arthur, Don Quichotte et Le Relaps. » pp. 302-493

Il ne doit pas les varier, de sorte qu’un seul homme en paraisse deux, qu’un homme d’esprit devienne un sot, qu’un courtisan poli devienne un pédant. […] Ici Amanda devient tout à coup d’une extrême agilité, et lui échappe des mains. […] Lors donc que la poésie Dramatique commence à devenir hardie et licencieuse, on ne saurait trop tôt lui mettre un frein. […] Réglons-nous donc sur nos espérances ; et que nos plaisirs deviennent conformes à ce que nous devons désirer. […] Ainsi, la cupidité devient-elle la maîtresse absolue de tout ; ainsi force-t-elle toutes les gardes de la pudeur.

87. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

L’auteur de ce roman entreprend de les détromper ; mais c’est sur-tout au bien de la jeunesse qu’il croit travailler en écrivant ces mémoires. « Les peintures trop attrayantes d’un tendre amour, quelque vertueux qu’il soit représenté, intéresse, émeut, et la morale devient sans effet. […] Des personnes dévouées à la piété, détrompées des illusions du monde ; des gens pour qui les farces mimiques n’ont jamais eu d’attraits, n’ont pu tenir contre le plaisir de voir l’innocence devenir, comme parle St.  […] La biche timide et fugace, disoit un poète-philosophe, deviendra plutôt un animal vorace et terrible, qu’un être abâtardi par des sensations lâches et molles, ne s’élève à l’héroïsme de la valeur. […] Une jeunesse vermeille et vigoureuse est devenue une espèce de phénomène dans l’ordre de la nature vivante ; des teints pâles et livides, une marche chancelante, des regards hébétés et languissans, voilà ce que présente l’âge de la croissance et de l’énergie vitale…. […] S’il est vrai que lorsque les maux sont devenus extrêmes, la Providence ne tarde point de les rapprocher des remèdes, j’ose croire que ce jour n’est pas éloigné.

88. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre II. Autres Anecdotes du Théatre. » pp. 43-70

L’acteur Archelaüs représenta l’Andromede d’Euripide avec tant de véhémance, qu’il eut la fievre, & en devint fou. […] La nouvelle fut plus rafinée, sur-tout quoique dans le fond aussi corrompue, & en devint plus dangereuse ; elle arbora un air de décence, & voila, ou plutôt gâza le vice, pour séduire plus aisément la vertu, & fut le fruit de la molesse, qui naturellement moins bruyante, non par vertu, mais par paresse & amour du plaisir, se couvre d’une fausse politesse, pour être moins traversée : Insana est principum & populorum in ithiones pecuniæ collatio, quâ homines infames de turpitudine sua, & de suo scandalo lucrantur & gloriantur, majol. dies canicul. collat. […] Vois ces spectres, Dorés, s’avancer à pas lents, Traîner d’un corps usé les restes Chancelants, Et sur un front jauni qu’a ridé la molesse, Étaler à trente ans leur precoce vieillesse, C’est la main du plaisir qui creusa leur Tombeau, Et bienfaiteur du monde, il devient leur bourreau. […] C’étoit sa place, elle fut d’abord comique : ou si l’on veut une scéne d’opéra ; où l’on est enlevé dans les airs par des cordes ; mais elle devint tragique pour la N. lorsque la corde se rompit, & Junon, au lieu de monter au Ciel ; se cassa la tête. […] L’amour n’étoit pas le foible de ce Jésuite, qui avoit alors plus de cinquante ans ; son plus grand crime fut d’être en bute à une cabale qui ne savoit point pardonner, & d’avoir eu la foiblesse de prêter l’oreille aux prétendus miracles de la pénitente, dont la réputation de sainteté, augmentoit celle du directeur : aussi le Parlement d’Aix jugea que le seul dénouement que l’on devoit donner à cette cause ridicule, qui pouvoit devenir funeste, étoit de mettre les parties hors de cour & de procès .

89. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE II. Théatres de Société. » pp. 30-56

Ces théatres de société sont devenus si fort à la mode à Paris & dans les provinces, que pour en faciliter l’exécution, on a imaginé deux branches de commerce. […] Par là la familiarité entre les Acteurs & les spectateurs devint très-grande, ils se mêlèrent sur ces petits théatres ; l’art dramatique se répandit, chacun voulut l’apprendre, tout devint pantomime. […] Ces hommes, devenus commensaux des honnêtes gens, qui leur donnoient asyle dans leurs palais, mêlés dans les familles, vivant avec les enfans, les enseignant, les exerçant, jouant avec leurs élèves, tout fut confondu ; plus de distinction entre l’artiste, qui devroit seul professer l’art, & le citoyen qui ne devroit que l’encourager & en jouir. […] La fureur du théatre s’empare de tous les états, comme on voit devenir communes à toutes les conditions les manieres de se coëffer & de se parer que les personnes du plus haut rang & du bel air s’étoient d’abord appropriées. […] La Noblesse, comme de raison, l’a emporté dans une affaire si intéressante pour l’État : une action devient par là un titre de noblesse.

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