L’un est un lieu de délices, l’autre le séjour de la douleur, mais aussi est-il l’école de la sagesse ; celui qui auparavant bouffi d’orgueil, affamé de richesses, daignoit à peine parler au peuple, devenu humble & traitable, comme si le feu pénétrant dans son ame en eût amolli la dureté, l’adversité l’a changé, il est devenu propre à tout. […] On y apprend au peuple à devenir cruel, comme une bête féroce, à la vue de ces hommes massacrés, de ces membres déchirés, de ce sang répandu. […] Ainsi vous devenez meilleur, & vous sanctifiez-ce qui vous approche ; votre femme vous devient plus fidele, vos enfans vous sont plus soumis, vos domestiques plus attachés, vous pouvez gagner vos ennemis même.
Et ne voyez-vous pas qu’Alexandre ne devint cruel, même de sang-froid, que lorsqu’il devint ivrogne ? […] Combien de gens naturellement polis, bienfaisants et doux, deviennent brutaux, caustiques et durs quand ils ont trop bu d’un coup ? Tel qui aurait craint de se faire une affaire parce qu’il est prudent ou timide naturellement, devient hardi et querelleur quand il a la tête échauffée par le vin, qui le tire de son assiette ordinaire. […] Sommes-nous faits pour en avoir ou le devenir ?
Il résulta de ce nouvel ordre des choses, que la profession d’acteur de théâtre devint honorable, et ceux qui l’exercèrent étant enfin protégés, salariés, pensionnés et honorés par les gouvernements, ils rentrèrent sans opposition dans l’exercice de tous leurs droits civils, de la part des autorités séculières, et dans tous leurs droits religieux de la part de l’autorité ecclésiastique. […] En effet, les gens de théâtre appartiennent à l’autorité civile, et l’art théâtral est devenu légalement une profession dans l’Etat.
leur deshonneur deviendrait public ; le crime serait aussitôt puni que commis. […] Votre sentiment est devenu le mien. […] Enorgueilli de leurs respects, il devient presque leur Dieu. […] elle se trouve dans cette Religion si ridicule selon vous : L’Amour, dit la Mythologie, devint l’amant de Psyché. […] Les combats de Gladiateurs devinrent alors si communs, que par économie, on destina les criminels à donner cet abominable amusement.
C’est par de pareilles leçons de morale que des distinctions, imaginaires ou de convention, auxquelles la nature continue, malgré tout, d’avoir peu d’égards, et qui ne dirigeant pas dans leurs choix les jeunes cœurs sans ambition, deviennent plus tard, dans le temps, des préjugés, des prétextes à l’inconstance, des titres pour mépriser ses devoirs les plus sacrés. […] Le changement de maîtresses, si conforme à la passion qui les fait rechercher, n’ayant pas de frein, est devenue une mode, ou un régime ; elles passaient de l’un à l’autre ; à tout âge, avec de l’argent, on était sûr de ne pas en manquer ; il s’était même établi des courtiers des deux sexes qui en procuraient, qui en faisaient commerce ! […] Oui, depuis que des comédies les ont rendues si redoutables en mariage, elles sont devenues, pour la plupart, des passe-temps, des jouets, des objets du plus honteux commerce. […] Elles sont devenues le sel, l’éloquence des écrits, des discussions et des conversations même sérieuses qui commencent ou finissent presque toujours par-là. […] Il deviendrait même également prudent de s’abstenir des unes comme on s’est abstenu des autres, pour ne pas être remarqué des rieurs ameutés, et conserver son repos.