Dieu nous préserve encore des puissantes influences du théatre sur les mœurs des Romains, puisque son établissement à Rome fut l’époque funeste de leur décadence, comme le craignoit Scipion Nasica & le Sénat, qui le fit détruire, brûler les sieges, vendre les décorations & les habits.
Mais il s’agit bien d’un autre intérêt ; il s’agit d’un nouveau degré de futilité ajouté au caractère national, d’un esprit de bouffonnerie, devenu l’esprit de tout le monde, et qui consiste moins encore à découvrir le ridicule où il est, qu’à le supposer où il n’est pas ; travers funeste, dont l’influence combinée avec tant d’autres causes, telles, par exemple, que la fureur de philosopher tend à détruire tous les principes sur lesquels sont fondés la pudeur, l’amour conjugal, l’attachement des pères pour leurs enfans, et celui des enfans pour leur père, le respect dû à l’âge avancé, &c.
Ils sentent que cette école est nécessaire pour détruire insensiblement l’hommage qu’on doit à Dieu, et soit par leurs discours, soit par leurs écrits, ils font tout ce qu’ils peuvent pour la mettre en honneur.
De sorte qu’au lieu que le devoir d’un Chrétien, selon l’esprit de l’Evangile, est de mortifier en soi les passions et de les détruire ; au contraire l’exercice ordinaire d’un Comédien est de les exciter en soi et dans les autres ; et pour faire aimer ces mouvements déréglés du cœur et les rendre agréables, on les colore du nom de vertus, comme l’ambition et la vengeance de grandeur d’âme ; le désespoir et l’opiniâtreté, de constance invincible, ainsi du reste. […] L’on détruit souvent ce qu’il y a d’honnête dans ce qui fait la matière de la Comédie, par des discours profanes, pleins de dogmes et de maximes Païennes ; et bien loin de purifier le Théâtre par des sujets honnêtes qu’on y représente, on profane au contraire l’honnêteté des sujets par des fictions d’amour, par des paroles lascives ou trop libres qu’on y mêle.
Si les principes sont détruits, la conséquence tombe d’elle-même. […] Rousseau ne croit pas ses arguments sans réplique ; il s’en fait une, mais il a soin de la choisir facile à détruire. […] Ce n’est donc pas cet amour d’instinct qu’il faut éluder ou tâcher de détruire, il s’agit de le diriger, de l’éclairer, s’il est possible ; il s’agit de lui donner cette moralité qui l’épure, qui l’ennoblit, qui l’élève au rang des vertus.