parler le langage du vice, en prendre les allures, en peindre les horreurs, en excuser les excès, en inspirer le goût, en faire sentir les mouvements, en ouvrir l'école, en donner des leçons, l'ériger en vertu, tromper, aveugler les hommes, fixer leur attention sur des objets méprisables et criminels, effacer les idées des biens et des maux éternels, pour ne mettre le bonheur ou le malheur que dans le succès ou les obstacles de la passion, s'en faire un art, un métier, un état de vie, y consacrer tous ses talents, ses moments, ses forces, sa santé ! […] Quelque faux que soit l'objet, l'émotion de la passion est très réelle, et cette émotion goûtée volontairement et avec plaisir est criminelle. […] Mais toutes sont criminelles, leur objet est défendu. […] Mais ce qu'on appelle modération, est déjà criminel. […] Et si dans ce moment on jouissait de la liberté, comme on en jouit au théâtre, si on excitait volontairement ces mauvais songes, comme on excite le rêve du théâtre, ne serait-on pas véritablement criminel ?
Les héroïnes de nos Poètes sont d’un choix aussi criminel que leurs héros. […] Il n’est donc pas tout à fait aussi criminel qu’il plaît à M. […] le même Philosophe dit que des satisfactions criminelles ne sont point proprement des plaisirs ; et qu’elles ne sauraient être agréables qu’à un homme qui n’a pas le goût sain : ainsi que certains aliments nuisibles qui ne contentent qu’un estomac déréglé. […] et est-il rien de plus criminel que d’entretenir les autres dans cet esclavage ou de les y attirer ? […] Torrismond n’a qu’à dire à sa Princesse, qu’elle ose être criminelle jusqu’où elle jugera à propos, que sa beauté doit faire taire tous les cris de sa conscience ; parce qu’il n’est rien que le Ciel ne soit obligé de pardonner à une belle personne.
LA Tragédie, Mademoiselle, que l’on supposoit gratuitement l’école des vertus en est donc bien plutôt la ruine, ainsi que la mere des vices : l’amour criminel s’y trouve annobli, c’est l’ambition, la vengeance & l’orgueil qui font les grands hommes. […] Voilà les désordres dont les Comédies de Moliere ont un peu arrêté le cours ; car pour la galanterie criminelle, l’envie, la fourberie, l’avarice, la vanité & choses semblables, je ne crois pas que ce comique leur ait fait beaucoup de mal, & l’on peut même assurer qu’il n’y a rien de plus propre à inspirer la coquetterie, que ces piéces ; parce qu’on y tourne perpétuellement en ridicule les soins que les peres & meres prennent de s’opposer aux engagemens amoureux de leurs enfans.
Vous verrez dans les Théâtres des choses qui vous donneront de la douleur, et qui vous feront rougir; c'est le propre de la Tragédie d'exprimer en vers les crimes de l'antiquité: On y représente si naïvement les parricides et les incestes exécrables des siècles passés, qu'il semble aux spectateurs qu'ils voient encore commettre électivement ces actions criminelles, de peur que le temps n'efface la mémoire de ce qui s'est fait autrefois ; les hommes de quelque âge, et de quelque sexe qu'ils soient entendant réciter ce qui s'est déjà fait, apprennent que cela même se peut encore faire ; les péchés ne meurent point par la vieillesse du temps. […] Peut-il prendre plaisir à des choses criminelles, lui qui est déjà sanctifié ?
. » Après des choses si criminelles, qui pourrait ne pas condamner la Comédie, s’il est vrai qu’elle fût remplie de tant d’ordures et d’impiété ? […] Les danses et les plaisirs, conclut Albert le Grand, ne sont donc mauvais que par les circonstances criminelles qu’on y ajoute : et je n’obligerais pas un Pénitent à s’en abstenir, puisque Dieu non seulement les permet, mais les promet lui-même. »Psaume 67, 28. […] Cependant le même Digeste de Justinien met l’un et l’autre au nombre des personnes infâmes, et mille autres gens dont les actions ne sont point criminelles. […] Mais, s’il est permis et louable d’user quelquefois de récréations et de divertissements, rien n’est plus illicite, ni même plus criminel que d’en jouir toujours, sans modération et sans mesure ; d’y avoir une attache désordonnée ; et de ressembler à certaines Gens dont il est parlé ans le Livre de la Sagesse, qui croyaient que la vie même n’était qu’un jeu. […] Je ne trouverais pas qu’il y eut moins de mal pour eux que s’ils jouaient à la paume, aux cartes, aux dés, jeux qui sont contre la bienséance de leur état, quoi que pour les Séculiers, ils ne soient pas criminels.