Et ce grand homme répond : « qu’il est vrai que toutes choses ont été instituées de Dieu, mais qu’elles ont été corrompues par le Démon : Que le fer, par exemple, est autant l’ouvrage de Dieu que les herbes et que les Anges ; que toutefois Dieu n’a pas fait ces créatures pour servir à l’homicide, au poison et à la magie, quoi que les hommes les y emploient par leur malice : et que ce qui rend bien des choses mauvaises, qui de soi seraient indifférentes, c’est la corruption et non pas l’institution. » D’où appliquant ce raisonnement aux Spectacles et à la Comédie, il s’ensuit que considérée en elle-même, elle n’est pas plus mauvaise que les Anges, les herbes et le fer, mais que c’est le Démon qui la change, l’altère et la gâte. […] Je sais bien que comme elle était un peu trop hardie, les Athéniens eurent raison de lui ôter cette liberté et de l’empêcher de s’attaquer immédiatement à personne ; mais on lui permit de s’attacher généralement à reprendre les mœurs, et ce n’a été que par un abus, dont les choses même les plus saintes ne sont pas exemptes, que depuis, au lieu de les reformer elle a pu contribuer à les corrompre.
Quelles ames fortes oseront se croire à l’épreuve du soin que prend le Poëte de les corrompre ou de les décourager ?
Ce qui souille par la bouche, souille par les yeux et par les oreilles, ce sont les avenues du cœur ; serait-il bien pur, si ce qui y conduit est corrompu ?
Le premier, pour faire oublier ses manœuvres & les malheurs publics en amusant le peuple, vouloit introduire de nouveaux spectacles ; le second, qui pense que les bonnes mœurs sont le vrai soutien, la force, l’appui des Etats, s’opposoit à ce qui n’est fait qui pour les corrompre.
Foix, ne roulent que sur des sujets pieux, & sont utiles à former les mœurs ; au lieu que celles-la ne sont que des galanteries agréablement tournées, qui ne peuvent que les corrompre.