Je ne parlerai ni des Saints Pères, ni du Prince de Conti, je m’en rapporterai au témoignage seul de la conscience et de la raison. […] Vous devez consulter de plus habiles gens que moi ; ou vous en rapporter au témoignage de votre conscience ; car vous êtes assez homme de bien pour n’avoir pas une conscience tout à fait erronée. […] En vérité c’est une chose fâcheuse qu’on ne puisse goûter en conscience un plaisir si agréable, et qui semble si innocent. […] Assurément il n’y aurait aucun danger pour la conscience dans un divertissement si dévot, mais il arriverait infailliblement qu’on ferait de fort méchantes Tragédies sur ces Principes.
Ainsi il fera grand conscience de s’aller seoir oisif des journées entières au pied d’un Théâtre, pour voir et ouïr des choses vaines, et des batelages. […] Lorsqu’ensuite ils condamnent les Théâtres, c’est grande injustice de les accuser qu’ils donnent du scandale ; Car un Pasteur ne donne pas du scandale, alors qu’il fait bien sa charge, et s’acquitte en conscience de ce à quoi il est tenu en vertu d’icelle. […] Mais il vaudrait beaucoup mieux, fussent-ils mélancoliques au double, qu’ils écoutassent le Sage pour aller en la maison de Dieu plutôt que de se rendre en ces lieux de joie du monde, où ils ne peuvent assister sans se blesser l’âme, et préjudicier à leur conscience. […] Surtout si ceux qui gouvernent leurs Consciences y prêtent leur aveu, nous n’avons rien à y dire, n’en ayant nul droit, et n’étant point si téméraires de nous ingérer à ce qui ne nous appartient pointen. […] Même nous nous assurons, que quand ces Princes qu’ils veulent flatter, en seraient consultés, Il n’y a aucun d’eux qui voulût donner les pratiques de sa Cour pour régler la conscience, qui n’a son regard qu’à Dieu tout seul.
M. s’il vous reste encore dans le cœur quelques sentimens de pieté & de Christianisme, ne laissés point corrompre vôtre jugement par le mauvais goût du siecle, & que le plaisir de la comedie (que j’appelle un plaisir enchanté, parce qu’il vous trompe & entraîne par des prestiges secrets, & par une fascination dangereuse, fascinatio nugacitatis , l’appelle le Sage) que ce plaisir dis-je ne suborne point vôtre raison, cõtre vôtre conscience ; mais que tout le monde connoisse que vous ne cachés point les restes du paganisme, sous la profession apparente de Chrétien. […] Voicy M. si je ne me trompe, ce qui va paroître de plus facheux & de plus incroyable aux sages du monde ; sçavoir, de les convaincre que les bals & les comedies sont veritablement ces œuvres de Satan, & ces pompes du monde ausquelles ils ont renoncez solemnellement par les vœux du Baptême ; cependant il me semble que pour peu qu’ils veulent entendre raison, & écouter les maximes de religion & de conscience, nous serons bien-tôt d’accord. […] Consultez là-dessus vos confesseurs & vos Casuistes, il y va de leurs conscience de vous dire leurs pensées, aussi bien que de la mienne de ne vous point déguiser mes sentimens ; je ne sçais pas si elle est scrupuleuse cette conscience, mais du moins il me paroit qu’elle est assez bien reglée selon la droite raison. […] N’est-t-il pas veritable que l’imagination s’imprime de mille phantômes impurs, qui passans continuellement comme en reveuë, vous font des spectacles secrets & invisibles, qui attachent vôtre cœur, & qui blessent vôtre conscience ? […] Enfin, qua major voluptas quam fastidium ipsius voluptatis quam vera libertas, quam conscientia integra ; quel plus grand plaisir que le mépris du plaisir, que la veritable liberté, & que la pureté de la conscience.
Si cependant vous vous vantés de pouvoir vous sauver en vivant comme vous faites, tout le monde peut se vanter comme vous, puisqu’à un petit nombre d’Impies près, qui secoüant le joug de leur conscience, ne veulent suivre de regle que l’impieté & le libertinage, tous les autres vivent comme vous agissent comme vous, se conduisent comme vous, & par consequent le plus grand nombre se sauveroit selon vous, ce qui pourtant est contraire aux paroles de Jesus-Christ, qui dit qu’il y aura peu d’élus,* pauci verò electi : Il est donc de foi que vous ne pourrés vous sauver, tandis que vous suivrés la multitude, & que vous vivrés comme les autres. […] Voilà ce qu’ont fait tant des Saints : & après tant de crimes, tant de chûtes & de rechûtes, presque tout le monde demeure tranquille : des pécheurs déjà exclus de la celeste Patrie dont ils se sont rendus indignes, demeurent calmes sur leur destinée ; tout ce que l’on recommande aux Ministres qui les assistent, c’est de ne point les effraier, de ne point leur parler de ces terribles verités, & de les aider à se seduire & à se tranquiliser dans la fausse paix de leur conscience criminelle.
me sens, dit-il, accablé par un torrent de passages des Pères, qui depuis le premier jusqu’au dernier, ont toujours fulminé contre les spectacles, et ont employé la ferveur de leur zèle et la vivacité de leur éloquence, pour en donner une si grande horreur aux fidèles ; que les consciences faibles et timorées traitent de pernicieux et de relâchés les Docteurs qui ont l’indulgence de les tolérer. » Etp. 4. […] Comme l’Auteur de la Lettre, tâche d’éblouir le monde par le nom de saint Thomas, et de se mettre à couvert sous son autorité ; il faut examiner s’il a raison de dire que ce Saint permet d’aller à la Comédie ; en sorte qu’étant, comme il dit, épurée, bonne et honnête, l’on y puisse assister en sûreté de conscience et sans scrupule. […] Gens d’une éminente vertu, et d’une conscience fort délicate, pour ne pas dire scrupuleuse, ont été obligées de m’avouer, qu’à l’heure qu’il est, la Comédie est si épurée sur le Théâtre Français, qu’il n’y a rien que le plus chaste ne pût entendre. » Réponse. […] Quand il n’y aurait que le scandale, que causent aux faibles ces sortes de gens d’une probité apparente, qu’on prétend même avoir une conscience timorée et scrupuleuse ; en faudrait-il davantage pour attirer sur eux les effets de la colère de Dieu. […] C’est à quoi leur conscience, leur honneur et leur devoir les obligent.