Ce n’est donc pas ici un reclus misanthrope, qui condamne ce qu’il n’a jamais vu. […] 4.° Dans le livre des Offices ou des devoirs, qu’il a composé, à l’exemple de Cicéron, mais dont la morale est bien plus pure, ce Saint fait l’éloge de la libéralité, et condamne la prodigalité (L. […] 5.) ce Saint condamne, comme une folle dépense, la somptuosité des bâtiments où règne la magnificence et le luxe. […] Ambroise a faits sur la pureté, on sent bien avec quelle sévérité il condamne la licence des peintures, la superfluité des parures, l’indécence des nudités, la dissolution des discours, la liberté des regards, la familiarité des conversations, la tendresse des sentiments, le poison des mauvaises compagnies, le mélange des deux sexes, etc.
Que les raisons que l’on a rapportées jusqu’à présent, pour prouver que la Comédie condamnée n’est point celle qui existe aujourd’hui, n’ont jamais été exposées avec assez de soin. […] Cette représentation du Jugement de Pâris, étoit suivie de l’exposition d’une femme condamnée à mort, & à une prostitution dont la pudeur ne permet pas de nommer le genre. […] Cependant il se rencontre des Ecrivains, qui, sans avoir égard à cette prodigieuse différence, semblent chercher à entretenir le courroux de l’Eglise ; qui trouvent du Crime jusques dans les Drames les plus sages, & qui soutiennent enfin que des Piéces de Théâtre aussi honnêtes & aussi épurées que nos bonnes Comédies, ont été de tous tems condamnées pour leur seule inutilité. […] Corneille & Racine ont gémi ; ils en ont eu raison, sans doute, puisqu’ils ont passé leur vie dans une occupation condamnée : mais n’est-il pas bien cruel que les Auteurs de Cinna, d’Héraclius & de Phédre, ayent été fondés à verser des larmes d’un juste repentir ? […] On convient que ce n’est point aux Ecclésiastiques à se rendre ouvertement les défenseurs d’un Spectacle qu’ils ne fréquentent pas, qu’ils voyent condamné dans la plupart des Livres qui se présentent à leurs yeux, & dont ils devroient même blâmer le trop grand usage, en le regardant comme un plaisir permis.
Il condamne les romans sans restriction, & ne parle plus de possibilité de réforme. […] Plusieurs Auteurs ne condamnent que la comédie licencieuse, &c. […] & sans donner dans les idées chimériques de la possibilité de la perfection, il le condamne sans restriction dans la réalité. […] Les Sainte n’en ont pas ainsi jugé, ils ont tous condamné le théatre ; leur préférera-on les idées licencieuses des libertins ? […] La force de la vérité lui a fait condamner l’esprit & les usages de sa Société.
Donc il ne doit pas condamner la Comédie. « Il vit avec une honnête modération. […] Mais « certains Docteurs, ou du moins qui se piquent de l’être, les condamnent ». Ils ont grand tort : mais certains ne condamnent-ils point les jeux de hasard ? […] Il demande ou qu’on cesse de condamner la Comédie, ou qu’on la laisse passer avec ces choses pour lesquelles on ne manque pas d’indulgence. […] Si on ne ferme point le Théâtre, c’est par pure politique ; et si on le condamne, c’est par principe de Religion.
Vous avez du sentiment, les beaux morceaux doivent vous toucher ; le livre est sous vos yeux ; vous méditez, vous avalez à longs traits le venin que l’auteur a répandu dans les vers que vous admirez ; enfin, vous faites vous-même le rôle du comédien que vous condamnez si sévérement. […] Cependant j’ai peine à croire que les Pères de l’Eglise, qui condamnèrent les Troubadours, les Jongleurs, & les pièces indécentes que représentoient ces grossiers personnages, proscrivissent si sévérement, s’ils vivoient de nos jours, ces chefs-d’œuvre du dernier siècle, où triomphent la décence, l’esprit & le sentiment. Il ne me reste plus qu’à vous faire sentir l’injustice de votre procédé envers M. de Voltaire ; car on n’ignore pas qu’il est l’auteur de l’épître que vous condamnez.