S’ils meurent en bons chrétiens, ils se sont convertis, & se répentent d’avoir travaillé pour le théatre. […] L’auteur lui porta sa tragédie, & lui fit les plus grands complimens, sur sa science, ses talens, son zèle pour la Réligion, ses victoires sur l’incrédulité, il lui protesta qu’il étoit plein de respect pour la Réligion chrétienne, la seule vraie, & digne de l’homme, qu’il ne s’étoit proposé que d’en attaquer les abus.
37 Les Auteurs Chrétiens ne l’ont pas louée avec moins d’enthousiasme. […] Comme Louis IV. dit d’outre-mer, Roi de France, se moquait toujours de Fouquet second, Comte d’Anjou, qui aimait beaucoup la musique ; celui-ci eut l’audace de lui écrire de la sorte ; « Sachez, Sire, qu’un Roi sans musique est un âne couronné. » Si Pythagore la mit dans le Ciel en prétendant que les planettes se mouvaient avec harmonie, les Chrétiens n’en font-ils pas plus que ce Philosophe, en représentant les Anges & les Elus occupés à chanter les louanges du Très Haut ?
Si ces observateurs, ne voyant pas bien que le tartufe dont il s’agit est en même temps tartufe de religion et de mœurs, que compromettre en le mettant en spectacle les vertus chrétiennes, ce fut aussi compromettre les autres vertus sociales qu’il avait besoin d’affecter aussi et qu’il affectait également, persistaient à croire que cette satire, qui ne regardait que les hypocrites de religion, n’a pu contribuer si puissamment à la démoralisation générale ; sans entreprendre de démontrer une seconde fois une vérité qui me paraît évidente, il suffirait à ma thèse de leur rappeler que la Criticomanie, comme pour consommer l’ouvrage du premier tartufe, nous en a donné plusieurs subsidiaires, et nommément un tartufe de mœurs ; personnage presque tout imaginaire, composé de différents caractères, de vices incompatibles, ou phénomène dans la société, auquel, au reste, on doit appliquer ce que j’ai dit de l’autre, fût-il même regardé comme un tableau fidèle, parce qu’il n’a été propre aussi qu’à faire triompher et rire le parti alors plus nombreux des hommes sans masques, et des femmes au courant, qui ne faisaient pas tant de façons, ainsi qu’à réchauffer leur bile et renouveler leur pouvoir, qui commençait à vieillir, de faire naître les défiances, et des soupçons injustes contre les personnes, et de travestir avec succès les meilleures actions.
Ces comédiens sont trop bons chrétiens pour ne pas faire honneur à leurs Pasteurs, & l’Archidiacre, premiere dignité, est proche parent du Directeur de la scéne, pouvoit-il n’être pas appellé à une fête de famille ?
comme s’il n’y avoit que les Religieux qui pussent mener une vie chrétienne, comme si la loi de l’Evangile n’étoit pas pour tout le monde.