Mon intention est de me rendre utile à la vraie religion, au roi, à son gouvernement, au peuple, et en particulier s’il est possible, à la cause qui va être agitée contre les deux journaux inculpés par le réquisitoire de M. le procureur-général Bellart. […] Je donnerais aussi des notions plus étendues sur les causes qui ont produit l’immoralité religieuse, politique et particulière ; mais je ne puis, quant à présent, m’étendre au-delà des bornes que je me suis prescrites dans ce discours préliminaire.
Il y a beaucoup de personnes qui assurent qu’ils n’ont jamais reçu aucune impression mauvaise par la Comédie ; mais je soutiens ou qu’ils sont en petit nombre, ou qu’ils ne sont pas de bonne foi, ou que la seule raison par laquelle la Comédie n’a pas été cause de la corruption de leurs mœurs, c’est parce qu’elle les a trouvés corrompus, et qu’ils ne lui ont rien laissé à faire sur cette matière. [...] […] J’avoue que nonobstant tout cela elles sont tout à fait honnêtes, puis qu’il a plu ainsi au Poète : mais en vérité y a-t-il personne de tousceux qui sont les plus zélés défenseurs d’une si mauvaise cause, qui voulût que sa femme, ou sa fille fût honnête comme Chimène, et comme toutes les plus vertueuses Princesses du Théâtre ?
Du temps de Neron un Pantomime fut preferé par un Roy Barbare à tous les autres presens qu’il pouvoit esperer de l’Empereur, à cause du beau talent qu’il avoit de parler des mains en dançant, & de representer par ses gestes tout ce qu’il eust pû énoncer par des paroles. […] Cét effet est toutefois plus loüable que sa cause, & fait sans doute une des beautez de l’Entrée, sur tout quand le reste s’y rencontre. […] La seconde qui est encore de bien plus grande consequence, est que le desordre de l’un en cause assez souvent un general parmy les autres. […] Qu’on ne se rebute donc pas sans connoissance de cause. […] Il doit plaire aux sens, & ordinairement à des yeux, qui ne portent point leurs regards plus loin que les objets visibles, & qui prendront pour une corvée la peine de penser au moyen dont les choses se font, & à la cause du plaisir qu’ils ont & qui les charme.
N’est-ce pas le Poëte qui a crée ces caractères, qui a groupé ces personnages ; & qui a imprimé sur tous les rôles cet esprit général qui les vivifie, & cause des impressions si délicieuses ?
… Si je demande à une personne du monde, qui n’a pas encore étouffé tous les sentimens de pieté, & de crainte des jugemens de Dieu, mais qui a peine a souffrir qu’on lui dise qu’il y a peché d’aller au bal, ou de se trouver dans ces assemblées de danses ; n’est-il pas vrai, que vous sentez un reproche interieur quand vous rentrez dans vous même, qui vous dit, que vous ne faites pas bien, que vous vous exposez au peché, & qu’il-y a à craindre, que cela ne soit la cause de vôtre perte ?