Dans la satyre la plus mordante rien n’égale l’Arétin : c’étoit son vrai talent (si on peut appeller talent le poison de la malignité), il n’épargnoit ni Papes, ni Rois, & se faisoit appeller le fléau des Princes, flagellum Principum, comme porte une de ses médailles ; il n’épargna pas ses plus grands bienfaiteurs, les Médicis qui l’avoient tiré de a poussiere, Charles V. […] Ses héros avoient toutes les vertus, étoient supérieurs à tous les hommes, égaux aux dieux, &c. […] Tout enthousiasmé des conversations de cet esprit sublime, il prétendoit que ceux qui étoient avec lui dans ces momens l’avoient vu & entendu comme lui, & se fâchoit quand on n’en convenoit pas.
Un Saint Théophile, par exemple, qui prouvoit aux Payens la pureté de notre morale par l’horreur que les Chrétiens avoient pour les spectales, que diroit-il de nous ? […] Ce que toute la fureur, toutes les persécutions des Rois de Syrie n’avoient pu faire, par quelle adresse un Apostat sut-il y réussir ?
Ses commencemens avoient été sages, & ce fut alors que parut l’ouvrage raisonnable & chrétien sur la dévotion. […] Aldegonde, Jurieu, Claude n’étoient rien moins que des mysantropes ; il est vrai que les synodes des Protestans ont défendu le bal & les comédies, & ils n’avoient garde de ternir la gloire de leurs principaux chefs, en leur faisant un crime de leur indifférence pour le bal & la comédie ; mais les Dames ont droit de déraisonner, il faut tout pardonner aux grâces.
Il peut y en avoir en qui cette rare facilité de s’enflammer, jointe à une sagacité, à une pénétration admirables, fasse découvrir des beautés qui leur avoient échappé.
On ne sauroit lire Clovis n’y la Pucelle ; mais personne ne doute que ces Poëmes ne se fissent goûter, s’ils n’avoient contre-eux que les défauts de style.