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129. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Fêtes de Théatre. » pp. 95-114

PAR un ancien usage, la ville de Toulouse fait un feu d’artifice pour chaque nouveau premier Président du Parlement. […] Cette augmentation de fête, qui n’étoit pas de l’ancien usage, jetta la Ville dans des frais considérables, & occasionna bien des indécences & de querelles. […] Si les anciens, au lieu qu’ils nous ont précédé, venoient après nous, & traduisoient nos théatres ; en voyant notre Réligion bannie de presque toutes nos piéces, tournée en ridicule dans plusieurs, & traitée si froidement dans la plupart de celles où par hazard on en parle, ils nous traiteroient d’impies, auroient-ils tort ? […] Vous voyez que nos nouveaux Magistrats ont l’esprit guerrier, au lieu que l’ancienne Justice passoi pour pacifique. […] M. de la Boissiere est un grand peintre, il a dirigé le moule de son Confesseur, pour rendre au naturel, par ces symboles, l’ancien & le nouveau Sénat de la Province.

130. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE IV. De la Médisance. » pp. 80-99

La médisance est aussi ancienne que le théatre, ou plûtôt de concert avec la licence elle l’a formé. […] On distinguoit sur l’ancien théatre trois sortes de représentations, pour lesquelles on construisoit trois scènes différentes (Vitruve, L. […] Il y en avoit pourtant bien des traits dans les anciens Mystères, où les choses les plus saintes étoient souvent défigurées par des grossieretés & même des indécences révoltantes ; ce qui étoit moins des traits malignement réfléchis, que la grossiere simplicité des temps. […] On voit dans les anciens hérétiques quelques railleries, mais en très-petit nombre. […] On tourne en ridicule l’ancien Testament, les mœurs des Patriarches, les visions des Prophètes, la physique de Moyse, les histoires, le style, les expressions des Écritures, en un mot toute la religion.

131. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE II. Histoire de la Poësie Dramatique chez les Grecs. » pp. 17-48

Virgile, dans le second Livre des Géorgiques dépeint les Anciens habitans de l’Ausonie chantant de même des Vers, & se couvrant de masques dans les Fêtes de Bacchus : Versibus incomptis ludunt risuque soluto, Oraque corticibus sumunt horrenda cavatis, Et te, Bacche, vocant per carmina læta, &c. […] La corruption des mœurs d’Athenes, si l’on en croit les Philosophes de cette Ville, fut causée par celle de la Musique, à laquelle le Théâtre avoit fait perdre son ancienne simplicité. […] On voit par un passage d’Aristote dans sa Poëtique, que les Comédiens de son tems ne valoient point les Anciens. […] Elles devinrent si médiocres, qu’on rappela les anciennes. […] Callimaque qui dans cette Cour composa des Tragédies & des Comedies, n’a été loué des Anciens, que pour avoir su tourner le Vers Elegiaque.

132. (1709) Mandement de M. L’Evêque de Nîmes contre les Spectacles pp. 3-8

N’avez-vous oublié de votre ancienne discipline que la privation des spectacles qu’elle vous avait interdite, et les aumônes qu’elle vous obligeait de faire ? […] Convient-il, Mes très-chers Frères, d’étaler sur des théâtres un attirail de vanité; d’y jouer des Scènes divertissantes, et d’y remplir l’esprit et le cœur des peuples de frivoles et ridicules passions, dans des conjoncturesh où chaque citoyen doit prier pour son Prince j ; où le Roi s’humiliant le premier lui-même sous la main toute-puissante de Dieu, implore ses anciennes miséricordes ; et touchék d’une guerre que la justice et la Religion l’obligent de soutenir, met tout son Royaume en prière Prières ordonnées partout.

133. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre V. Du Luxe des coëffures. » pp. 115-142

Cet usage ne remonte pas au-delà de Salomon, qui introduisit le luxe en Judée ; ni David son pere, ni Saül le premier Roi des Juifs, n’userent de pareilles toilettes ; ni les Juges, ni Moyse dans le désert, ni les anciens Patriarches. […] Grégoire de Nice parle d’une teinture d’or en usage de son tems, dont on enduisoit les cheveux comme on les enduit d’essence, c’étoit une espece de vernis appliqué sur les cheveux, qui faisoit un meilleur effet que la poudre, apparemment de-là étoit venue l’ancienne coutume de dorer en entier les statues des Saints, sans laisser la couleur de la chair, même aux pieds, aux mains & au visage. […] Les anciens Auteurs parlent de plusieurs manieres d’orner les cheveux, que nous ne faisons que renouveller, ce qui se voit par les Tableaux, les Statues, les Médailles ; 1°. […] Ces têtes peintes, cette chevelure de plâtre, ces cheveux empruntés, ces perruques de toutes couleurs & de toutes especes, ces folies inconnues à Rome pendant plusieurs siécles, ne viennent que du théatre ; en voici l’origine, tous les auteurs, & tous les anciens monuments nous apprennent que les acteurs jouoient masqués, & qu’ils portoient de grands masques, qui enveloppoient toute la tête comme le casque de nos anciens chevaliers, avec cette différence qu’au lieu de visieres ils avoient de grandes ouvertures aux yeux & à la bouche ; on croit que ces masques grossissoient la voix, & certainement ils la gatoient. […] C’est le revenant bon de leur chaste métier ; on a partagé cette tête creuse, on en a conservé le derriere, en le perfectionnant ; ce n’est plus qu’une calote ; elle avoit autrefois des cheveux empruntés, soit en peinture, ou en plâtre, ou réellement attachés, ce qui faisoit des chevelures blondes, noires, bouclées, frisées au gré de l’acteur, aussi-bien que les sourcils & la barbe, selon son goût ; on a conservé le derriere qu’on a rendu plus commode par des perruques à reseau, qu’on porte par-tout, aulieu que les anciens masques ne pouvoient servir que sur le théatre ; ils auroient été aussi incommodes que ridicules, par ce moyen, à peu de frais, & sans embarras, le vieillard rajeunit, la laide s’embellit, l’abbé, le magistrat se déguisent, la femme se travestit en homme, & l’homme en femme, on prend comme sur le théatre, les attributs du rôle qu’on veut jouer, & ce qui est très-commode, la moitié de la toilette se fait chez le baigneur, d’où l’on porte une très-belle tête toute faite, qu’on adapte au visage qu’on vient de fabriquer, ainsi se continue la comédie ; car la vie d’un joli homme, d’une jolie femme, n’est dans l’exacte vérité, qu’une comédie perpétuelle, où l’on joue les mœurs, la Réligion & le bon sens ; ces masques mobiles de la tête, font quelquefois sur le théatre & dans les piéces, les plus ridicules, le spectacle le plus comique, César qui étoit chauve, ne trouva d’autre coëffure pour cacher ce défaut, qu’une couronne de laurier.

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