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143. (1667) Traité de la comédie et des spectacles « Traité de la comédie et des spectacles » pp. 1-50

L'amour est présentement la passion qu'il y faut traiter le plus à fond ; et quelque belle que soit une pièce de Théâtre, si l'amour n'y est conduit d'une manière délicate, tendre et passionnée, elle n'aura d'autre succès que celui de dégoûter les spectateurs, et de ruiner les Comédiens. Les différentes beautés des pièces consistent aujourd'hui aux diverses manières de traiter l'amour, soit qu'on le fasse servir à quelque autre passion, ou bien qu'on le représente comme la passion qui domine dans le cœur. Il est vrai que l'Hérode de Monsieur Heinsius est un Poème achevé, et qu'il n'y a point d'amour. […] Ne voyez-vous pas l'amour traité de cette manière si impie dans les plus belles Tragédies et Tragi-comédies de notre temps ? […] Mais comme dit le grand Evêque que je viens de citer : « Pour changer leurs mœurs et régler leur raison, Les Chrétiens ont l'Eglise, et non pas le théâtre. » L'amour n'est pas le seul défaut de la Comédie, la vengeance et l'ambition n'y sont pas traitées d'une manière moins dangereuse.

144. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre IV. Des Personnages. » pp. 239-251

Enfin, les personnages de nos Tragédies sont toujours amoureux, parce que l’amour est une des passions qui nous animent le plus fortement. […] Comme il serait inutile de souhaiter qu’on bannisse l’amour des Poèmes du nouveau genre, puisque sans l’amour nous ne sçaurions faire de Drame, & qu’il occupe principalement la Sçène de l’Opéra-Bouffon ; voici ce que l’on désirerait que le Poète intelligent observat. […] S’il ne peut éviter qu’ils s’entretiennent de leur amour, que ce soit en très peu de paroles ; qu’ils n’en disent qu’un mot en passant.

145. (1759) Lettre à M. Gresset pp. 1-16

Objet unique de notre amour, Dieu veut que nous lui rapportions toutes les pensées, toutes les volontés et tous les actes d’une âme qu’il a créée pour sa gloire, et formée à son image. […] Il demande que nous préférions l’amour d’un bien éternel à l’amour de la réputation et des applaudissements des hommes, toujours frivoles, passagers, et souvent injustes ; que nous lui consacrions nos talents et les lumières de notre esprit qui lui appartiennent, et dont il nous demandera un compte sévère. […] Mais ce bonheur oisif et tranquille eût-il rempli les desirs d’un cœur fait pour aimer, et qui ne peut trouver de repos que dans l’amour et dans la possession d’un bien inaltérable et infini comme lui ?

146. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre X. Les spectacles ne sont propres qu’à rendre romanesques ceux qui les fréquentent. » pp. 102-104

C’est en cela que consistent l’artifice, l’illusion et le danger du théâtre : car on ne se défie pas de l’amour ni de l’ambition, quand on n’en fait que sentir les mouvements sans en éprouver les inquiétudes. […] Aussi leurs écarts d’amours ne sont-ils ordinairement que des imitations de ce qu’elles ont vu sur le théâtre, où elles voient à découvert ce qui, dans le monde, ne s’opère que mystérieusement.

147. (1687) Avis aux RR. PP. jésuites « X. » pp. 47-54

Car n’ayant pu nier qu’il n’y ait un précepte d’aimer Dieu, non seulement négatif par lequel il nous serait défendu de rien faire qui serait contraire à cet amour, mais aussi affirmatif qui nous oblige à l’aimer par un acte intérieur, il demande en quel temps ce précepte oblige. […] Il dit aussi que selon quelques Théologiens on est obligé de faire un acte d’amour de Dieu quand on commence à avoir l’usage de la raison. […] D’où il s’ensuit que selon cette moelleuse Théologie, il n’est pas certain qu’un Chrétien qui aurait vécu 80. ans et qui aurait commis beaucoup de crimes pendant cette longue vie, ne fût pas sauvé sans avoir jamais aimé Dieu de cet amour qui nous est commandé par ce précepte, « Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo », dont Jésus Christ, dit, « Hoc est maximum et primum mandatum », parce qu’il n’aura point manqué de Confesseur à qui il aurait confessé tous ses péchés par la crainte d’être damné, quand il aura eu besoin de se réconcilier avec Dieu.

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