lui dit-il d’un air dédaigneux. […] Je leur trouve entre nous un air bien peu décent. […] Je reconnois que tous les membres de l’Aréopage, également éclairés & équitables, ont pour les gens de lettres les égards, le respect, la déférence que tout subalterne doit à ses bienfaiteurs & à ses guides ; que toujours fideles à leurs engagemens ils n’ont jamais séparé leurs intérêt de ceux de leurs maîtres, jamais affecté de prédilection offensante, jamais cherché à les désespérer par des tons despotiques & des délais éternels ; que les jugemens de la Troupe, tous inspirés par un goût infaillible, précédé d’un mûr examen, motivés par la plus saine raison, méritent en tout temps les acclamations du public ; que les gestes toujours d’accords avec la pensée, toujours variés comme la déclamation, toujours nouveaux comme les rôles, offrent tour à tour, dans le même acteur, la dignité d’un héros & la lâcheté d’un perfide, les traits mâles d’un sauvage & l’air efféminé d’un Sibarite ; que les femmes du Théatre, ausi chastes que modestes, aussi décentes que desintéressées, aussi vertueuses que sensibles, n’ont jamais séduit l’innocence, dupé la bonhommie, outragé l’hymen, dépouillé les familles, introduit le désordre dans la société ; que dans tous les siecles & chez tous les peuples, la profession de Comédien fut une profession noble & honnête ; qu’on a partout puni l’Ecrivain téméraire & séditieux qui a osé ébranler une opinion si respectable, & que le meilleur moyen d’établir les bonnes mœurs & la vertu, de détruire le faste, le luxe, la dissolution, c’est d’engager le Gouvernement à combler les Comédiens d’honneurs & de richesses. […] Mais ne voyez vous pas que leur troupe en furie, va prendre encore ces vers pour une raillerie, & Dieu sait de quel air des rimeurs en courroux, & des auteurs blessés s’en vont fondre sur vous, traiter en vos écrite chaque vers d’attentats , &c.
Eschyle, leur premier Tragique, donna à la Tragédie un air gigantesque, des traits durs, une démarche fougueuse, c’était la Tragédie naissante, bien conformée dans toutes ses parties, mais encore destituée de cette politesse que l’art & le temps ajoutent aux inventions nouvelles : il falait la ramener à un certain vrai que les Poètes sont obligés de suivre jusque dans leurs fictions.
Si la comédie, comme il ditm, « était libertine, si elle écoutait tout indifféremment et disait de même tout ce qui lui venait à la bouche, si son air était lascif et ses gestes dissolus », Molière n’a pas fait pis, puisqu’il a caché ses obscénités et ses malices, et notre critique s’abuse grossièrement, ou ne dit pas ce qu’il veut dire, lorsqu’il fait passer le bien pour le mal.
L’Avocat donne avec raison à cette fondation un air pastoral. […] Et cependant on fait de la Rosiere une vraie coquette, hypocrite & adroite qui cache la plus vive passion, par un air de gaieté, de fanfaronnade sur la vertu, de protestation d’indifférence, de mauvais traitemens affectés à son amant, des injures, des emportemens.
Loin de nous le faire entendre, lorsqu’il parle d’un Comédien de son tems, dont les graces étoient si grandes, que les défauts qui auroient choqué dans un autre, plaisoient en lui, dans l’énumération de ses défauts, il comprend la voix & le geste, des mains jettées en l’air, & des exclamations trop longues, manus jactare & dulces exclamationes theatri causâ producere. […] Non seulement les Comédiens travailloient de bonne heure à se procurer une voix sorte : les Jeunes-Gens alors devoient avoir le même soin, puisqu’il falloit souvent parler à une multitude en plein air, comme les Orateurs, les Généraux d’Armée, les Empereurs dans les Allocutions.