Je conviens que l’unité de discours doit se rapporter à l’unité d’accens : ou pour simplifier cette idée, que l’expression de l’Auteur doit s’accorder avec celle de l’Acteur, & produire l’unité dont il s’agit. […] J’ai dit qui sembloit en repos : car un connoisseur n’a pas besoin du secours du Comédien pour voir agir les personnages d’un Drame.
« Car il ne s’agit pas de dire qu’on est revenu des spectacles comme on y était allé. […] « Il n’y a donc rien de plus dangereux, quand il s’agit des mœurs, que de chercher à voir ce qu’on ne veut pas être ; car on devient aisément ce qu’on regarde avec plaisir, puisque c’est le plaisir qui attire le cœur, et qu’il est impossible qu’il n’approuve pas ce qu’il goûte avec joie.
Ce dépit amoureux a semblé hors de propos à quelques-uns dans cette pièce ; mais d’autres prétendent au contraire, qu’il représente très naïvement et très moralement la variété surprenante des principes d’agir, qui se rencontrent en ce monde dans une même affaire, la fatalité qui fait le plus souvent brouiller les gens ensemble quand il le faut le moins, et la sottise naturelle de l’esprit des hommes, et particulièrement des amants, de penser à tout autre chose dans les extrémités, qu’à ce qu’il faut, et s’arrêter alors à des choses de nulle conséquence dans ces temps-là, au lieu d’agir solidement dans le véritable intérêt de la passion. […] L’autre est en considérant cet usage comme l’effet de l’habitude que les bigots ont prise de se servir de la dévotion, et de l’employer partout à leur avantage, afin de paraître agir toujours par elle. […] Enfin la manière dont il met fin à la conversation est un bel exemple de l’irraisonnabilité, pour ainsi dire, de ces bons Messieurs, de qui on ne tire jamais rien en raisonnant, qui n’expliquent point les motifs de leur conduite, de peur de faire tort à leur dignité par cette espèce de soumission, et qui, par une exacte connaissance de la nature de leur intérêt, ne veulent jamais agir que par l’autorité seule que leur donne l’opinion qu’on a de leur vertu. […] Elle répond en biaisant : il réplique en pressant : enfin, après quelques façons, elle témoigne se rendre ; il triomphe, et voyant qu’elle ne lui objecte plus que le péché, il lui découvre le fond de sa morale, et tâche à lui faire comprendre qu’« il hait le péché autant et plus qu’elle ne fait » ; mais que dans l’affaire dont il s’agit entre eux, « le scandale en effet est la plus grande offense, et c’est une vertu de pécher en silence » ; que quant au fond de la chose, « il est avec le Ciel des accommodements ». […] Je sais que le principe que je prétends établir a ses modifications comme tous les autres ; mais je soutiens qu’il est toujours vrai et constant, quand il ne s’agit que de parler comme ici.
Ie desire donc que la Machine qui sert de baze au Jeu de l’Artifice, ait raport au sujet de la joye ; qu’une naissance y soit exprimée autrement qu’une Victoire : & qu’on s’efforce de peindre le plus expressément que l’on peut la nature des choses dont il s’agit.
L’on a bien raison de dire, que le Français est rempli d’inconséquences, de contradictions, & qu’il serait fort difficile de peindre ses goûts & ses caprices : il ne veut que des Drames où l’esprit pétille à chaque instant ; à peine daigne-t-il faire grace à ceux qui ont beaucoup d’intrigue & peu de phrases joliment tournées ; & cependant il aime, il adore quelques Poèmes du Théâtre moderne, dont le stile a tant de rapport avec les personnages qu’on y voit agir. […] Les Poètes de notre Spectacle s’appliquent, sur-tout à peindre les mœurs des personnages qu’ils font agir ; donc ils ne doivent pas employer un stile recherché. […] On est encore forcé de changer d’avis ; le pronom la, qui est dans l’avant dernier Vers, montre qu’on n’entend plus parler que d’une Fille ; car s’il s’agissait toujours d’un oiseau, il faudrait dire, zeste, on le voit disparaître. […] Quelques-unes de mes citations & de mes remarques paraîtront peut-être trop minutieuses ; m’était-il possible de les rendre plus importantes, puisqu’il ne s’agit que de l’Opéra-Bouffon ?