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84. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Septième Lettre. De la même. » pp. 73-99

Voyez ce père tendre, qui s’épuise de travail, pour qu’un jour son fils & sa fille reçoivent de sa main, en le bénissant, un bien plus considérable au jour de leur mariage ; c’est que pour lui, le plaisir d’être le bienfaiteur de ses enfans, est le plus doux de tous : jetez enfin les yeux sur l’homme assis au dernier degré, voyez-le durant la semaine se livrer aux plus rudes travaux ; c’est qu’il entrevoit qu’ils doivent, au bout de six jours, lui fournir le moyen de s’abandonner à la joie. […] Le premier, probablement, parlait des anciennes Tragédies Grecques, où l’on voit les trahisons, les meurtres, les incestes, les parricides ; des Pièces satyriques d’Aristophane ; des Comédies de Plaute & de Térence, qu’une Française lui abandonne de bon cœur : l’autre n’a sans doute en vue que de conserver à sa bicocque de Genève, dont je me soucie très-peu, son urbanité suisse, le droit de s’ennivrer, l’agrément de médire à son aise, & le plaisir, un peu plus réel pour la jeunesse des deux sexes, de danser quelquefois ensemble. […] Par cette manière de défendre les Spectacles, on voit que j’abandonne tout ce qui peut blesser en eux la Religion & les mœurs ; comme d’un autre côté, je soutiens ce qu’ils ont de légitime, d’honnête & d’utile.

85. (1758) Lettre à M. Rousseau pp. 1-42

Je consens donc à vous abandonner les hommes, jusqu’à ce que vous soyez parfaitement guéri. […] Ils m’ont tout permis : abandonnée à mon génie, je n’ai consulté que lui ; j’ai su que vous veniez vous promener ici, j’ai volé sur vos traces… Mépriserez-vous mes vœux et ma sincérité ? […] C’est le vœu d’un homme qui, tourmenté par l’idée de tout ce qui peut vous nuire, a cru devoir chercher ce qui pouvait vous convenir ; d’un citoyen qui, porté à s’occuper des intérêts de la société, a vu qu’elle gagnerait beaucoup à lire vos écrits ingénieux, profonds et sublimes ; à vous connaître, à vous entendre ; si l’on parvenait à détruire la cause de vos maux, qui sont les siens, quand vous l’abandonnez.

86. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE V. Des Jésuites. » pp. 108-127

Qu'un homme du monde suive la mode, et que sans s'embarrasser des lois sévères de l'Evangile, il s'abandonne aux plaisirs qu'il voit régner dans les sociétés où il vit, c'est le torrent de l'exemple, c'est l'empire du respect humain. […] Son style, charmant d'ailleurs par son élégance, est d'une indécence si frappante, que la première édition en fut abandonnée par les Jésuites même et par son Auteur. […] Les Jésuites même, qui d'abord commencèrent par ces pièces déguisées, avaient trop d'esprit, pour ne pas en sentir l'indécence : ils abandonnèrent cet air puérile de dévotion porté sur le théâtre, où tout le dément, et jouèrent toute sorte de pièces, qui en effet malgré l'apparente sainteté sont toutes dans le même goût.

87. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE VI. Les obstacles qu’on peut rencontrer pour parvenir à la Réformation du Théâtre. » pp. 59-68

Les Comédiens de profession ne s’aviseront pas d’en faire l’épreuve ; et, s’il s’en trouvait qui y pensassent sérieusement et qui voulussent l’exécuter, ils verraient bientôt leur Théâtre désert ; et, à l’exception d’un petit nombre de personnes sages et raisonnables, tout le monde se moquerait d’eux et les abandonnerait : la misère suivrait de près leur entreprise ; et, s’ils n’avaient pas la constance de la souffrir patiemment, ces mêmes Comédiens, si bien intentionnés, se trouveraient réduits à la nécessité de revenir à leur ancienne méthode, et peut-être avec plus de licence et de désordre qu’auparavant, pour se dédommager du tort qu’ils se seraient fait à eux-mêmes par leur sagesse, et par leur retenue.

88. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre III.  » pp. 68-96

Cependant le conte d’Apulée abandonné aux savans, n’étoit guére lu de personne, lorsqu’il plût à Moliere de l’aller chercher pour en faire le sujet d’une fête galante, que donnoit Louis XIV, à Gacon de le traduire, & à La Fontaine de le broder à sa maniere : tout cela pourtant ne lui donna de vogue que quatre jours, la piéce n’étoit plus jouée. […] Il fut abandonné pendant 40 ans. […] Elle fut de nouveau abandonnée, quand le Roi alla à Versailles ; on l’a depuis donné à l’opera, quand la sale du Palais Royal fut brulée ; depuis qu’elle a été rebâtie, on la livrée aux Comédiens Français, qui par ce moyen superbement logés dans une Maison Royale sont déchargés de l’entrétien de leur sale, & des embellissements qu’il y faudroit faire, & qui sont sur le compte du Roi. […] Les jeunes personnes ne connoissent pas les avantages de la nature, & combien il leur seroit utile de s’y abandonner : elles affoiblissent les dons du Ciel, si rares & si fragiles, par des manieres affectées, & une mauvaise imitation.

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