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21. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XI. De l’amour & de ses impressions dans le Poéme Tragique. » pp. 165-178

Les mouvemens de cette passion molle leur sembloient peu dignes de la grandeur du Théatre. […] Racine, dont les piéces ne respirent que la douceur & la mollesse, a mis l’amour à la mode sur le Théatre, & a habillé les héros de l’antiquité à la Françoise. […] Je ne crois pas qu’il nie que ces fautes, ou plutôt l’amour, à moins d’être manié par des Racine, ou par lui-même, ne fera jamais sur le Théatre que de médiocres impressions. […] Faut-il s’étonner que la portion des spectateurs la plus capable de saisir les beautés d’une Tragédie, paroisse desœuvrée au Théatre, ou occupée de toute autre chose ? […] » Je sçais que moins d’Auteurs s’essayeroient sur le Théatre, mais il y auroit plus de bons Poëtes.

22. (1756) Lettres sur les spectacles vol.1 pp. -610

Tous les chefs-d’œuvre du Théatre ne nous offrent que des copies. […] Et, en effet, pourquoi leur Théatre est-il si fréquenté ? […] Les femmes ne montoient point sur le Théatre. […] Voilà les effets des amours prétendus permis du Théatre. […] Que vont-ils chercher tous au Théatre ?

23. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre II. Charles XII. » pp. 32-44

Il est inutile de dire qu’un tel homme n’aimoit point le Théatre : il en étoit l’ennemi juré. […] Que les Saxons me battent tant qu’ils voudront sur le Théatre, pourvu que je les batte en campagne. Il est indécent que le Théatre respecte assez peu les princes pour les jouer, il est ridicule qu’ils poussent la fanfaronade jusqu’à représenter le vaincu comme vainqueur. […] Qui auroit dit qu’elle devoit avoir des imitatrices en Russie, & des imitatrices de son Théatre ? […] Il ne pensoit pas au Théatre, dont ses sujets n’avoient point d’idée.

24. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — [Introduction] » pp. 2-6

Moliere travailloit avec beaucoup de difficulté ; mais il n’étoit pas fâché qu’on crût qu’il travailloit facilement les pieces qu’il dit dans sa préface avoir fait en quinze jours de temps, reposoient depuis plus d’un an dans son porte-feuille : la vanité & le mensonge sont l’air qu’on respire au Théatre. […] Mais on croyoit faire mieux rire en montant un âne sur le Théatre : on pu rire en effet, mais par un trait auquel on s’attendoit pas. […] Ou s’il vaut quelque chose, on plaindra, on verra avec pitié, on méprisera un homme qui a des talens, s’avilir & se dégrader : mais un homme sage n’admirera pas un insensé qui fait les folies sur le Théatre. […] On en voit tous les jours sans rire, il en monte tant sur le Théatre ! […] C’est de lui que l’âne dont parle Boileau, diroit avec raison (car qu’y a-t-il de plus méprisable qu’un bouffon sur le Théatre, & des spectateurs imbéciles qui l’admirent ?)

25. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIII. De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. » pp. 204-218

Quelques personnes de nom, ont fait des pièces de Théatre, ou même des ouvrages de sience, de politique, de morale & de littérature ; mais cette foule d’Auteurs qui se succédent sur le Théatre, ou qui nous inondent de brochures, sont de la seconde classe. […] Ces bagatelles que de petits incidens font naître, & dont on rougit souvent dans la suite, inspirent plus de hardiesse ; des conseils donnés avec lumière ou non, & auxquels l’amour propre n’a garde de se refuser, tournent les yeux du jeune-homme sur le Théatre. […] Il vole à sa société ; quelques Bourgeois qui ont appris l’art du Théatre en devinant les énigmes du Mercure, ou dans les petites Affiches, quelques femmeletes qui ont fait des logogryphes & des bouts-rimés, & qui se sont faits, en payant, comparer aux héroïnes du siécle dernier & du notre ; voilà le Tribunal auquel cette piéce est déférée. […] Telles sont les études, les raisons qui déterminent les jeunes Poëtes à composer pour le Théatre. […] Quand les plus célébres Poëtes ont médité les principes de l’art toute leur vie ; quand ils ont passé les jours & les nuits à consulter les Anciens, à se nourrir des beautés de leurs ouvrages ; quand ils ont puisé les plus grands traits de leurs Poëmes dans ces sources ; quand après des refléxions profondes, des veilles opiniâtres, & avec un génie brillant, ils se sont à peine crus en état de porter ce noble fardeau, & n’ont proposé leurs découvertes qu’avec modestie, & que comme des doutes ; nous verrons des enfans sans principes, sans connoissances, s’abandonner à une yvresse aveugle, & se croire supérieurs à tout ce qu’exige le Théatre ?

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