Il serait à propos et raisonnable que le Prince à ses dépens en gratifiât quelquefois la commune, et qu’aux villes populeuses il y eût des lieux destinés pour le spectacle. » Si Montaigne vivait, il verrait aujourd’hui ses vœux accomplis ; il n’y a point de ville populeuse dans le royaume qui n’ait son théâtre. […] Les grands Seigneurs solennisent leurs fêtes en donnant la comédie au public, et dans les occasions importantes les Comédiens font au public la galanterie de lui donner le bal et la comédie gratis, et Brioché les marionnettes, à peu près comme sur le Pont-Neuf le gros Thomas montre sa joie pour la convalescence de quelque Prince, en arrachant les dents gratis. Il est vrai que comme les Comédiens sont gagés du Prince, ils auraient tort de faire trop valoir leur libéralité ; c’est au Prince que la gloire en doit revenir. […] Le Prince seul peut autoriser légalement un Corps par des lettres patentes enregistrées au Parlement. […] Le caractère de la Reine qui l’introduisit, du Prince qui la goûta, du règne où elle se montra, la résistance du Parlement : voilà son berceau, il fut digne de la porter.
En Egypte, & chez bien d’autres peuples, les Prêtres étoient chargés de tenir un régistre fidele des actions du Prince, & des affaires de l’Etat ; c’étoit le même incovénient, le Sanctuaire n’est point inaccessible à la flatterie, & lui-même s’en repait quelquefois. […] Chacun est endroit de faire passer en liberté, par cette fente, tous les mémoires qu’il veut, sur la conduite du Prince & sur les affaires publiques ; on ne l’ouvre qu’après la mort de chaque Empereur.
Un éloge en dialogue, coupé en scènes, du Roi, de la Famille Royale, du Prince & de son portrait, du Peuple & de son zele. […] Ce Prince, par la bonté de son cœur & ses grandes qualités, mérite tous les honneurs : mais il n’en est point d’aussi marqué. […] Voilà l’Etat & le Prince en bonnes mains. […] Il demande au Prince le prix de son zele & de ses mérites. […] C’est un prix singulier, aussi digne de lui que peu digne du Prince.
Si ce Prince s’en fût tenu à ces bornes, il n’eût fait que suivre la religion dominante de son Royaume, & les traces de ses Ancêtres ; mais il s’en faut bien qu’il ne soit que Luthérien, il n’a dans le fond qu’une religion de théatre. […] Un objet bien essentiel, c’est le droit que le Prince s’arroge d’accorder seul la dispense des empêchemens du mariage, même à l’exclusion du Consistoire & des Ministres. […] La nécessité de recourir au Prince dans un grand Royaume seroit bien à charge au peuple, à moins de mettre de tous côtés des Bureaux de dispense, & de recette pour en percevoir les droits. […] Parmi ces empêchemens, il en est de droit divin comme le premier degré de parenté ; il en est de droit naturel, comme l’erreur, la violence ; de l’objet & de la nature du mariage, comme l’impuissance ; de droit ecclésiastique, comme le crime, la difference de religion ; de pure discipline, comme le temps prohibé de l’Avent & du Carême, (que ce Prince a abrégé de son autorité), la publication des bans ; il en est qui sont secrets, tels que l’adultere avec la promesse du mariage, l’homicide pour se remarier ; qu’on n’ira certainement pas confesser au Secretaire d’Etat du Roi de Prusse, au risque de se faire pendre, &c. […] Ce Prince n’avoit pas le don de continence.
Sa Politique, son Prince, ses Discours sur Tite-Live, ne sont pas des ouvrages dogmatiques, malgré l’air de systême qui y regne, mais une satyre déguisée sur le ton de conseil & de traité. […] Ne faisons point tant le procès au politique italien : qu’on recueille tout ce que le théatre fait ou débite contre la probité, qu’on le lie avec ordre, qu’on en fasse un systême, on ira plus loin que le Prince florentin. […] C’est encore un des préceptes de la politique du Prince. […] Le Prince n’est de même qu’un commentaire satyrique des Médicis & des Borgia, déguisé sous un air de systême, comme le Satyricon de Petrone est la satyre de Néron. […] Pere d’observer que Machiavel dans son Prince n’est que le commentateur de S.