Sans rechercher curieusement l’origine de cette louange, que l’Église a donnée aux femmes ; l’on peut assurer que leur piété leur a mérité l’avantage d’être si glorieusement distinguées des hommes : Mais l’on peut aussi demander d’où vient que la dévotion, ce sentiment vif et ardent de la Religion, s’est plus établie entre elles que parmi nous ? […] Est-il un Abbé qui ne les trouve faciles à les engager à son Sermon, ou du moins à envoyer leurs Carrosses au tour de l’Église ? […] Est-il une Église qui ne soit décorée de leurs plus belles nippes, quand la mode en est fort passée, ou quand la bienséance de l’âge n’en permet plus l’usage ? Sans elles la piété languirait partout, et nos Églises seraient presque désertes : Car si elles n’y venaient pas ; combien de Cavaliers et de prétendus Abbés, de jeunes Financiers et Officiers de Justice, n’y mettraient pas le pied, ni pour le Salut, ni pour le Sermon, ni peut-être encore pour la Messe ? […] Il n’y a en tout cela que deux choses un peu fâcheuses : L’une est le terrible scandale que nos Églises en souffrent souvent, et l’autre est que Messieurs les Confesseurs de Paris, et de Versailles disent quelquefois entre eux, qu’on ne sait où se confessent bien des femmes : Est-ce là, est-ce ici ?
Il y en a assez dans les saintes Ecritures, dans les Pères, et les Docteurs de l’Eglise. […] C’est quand on met son plaisir aux choses contraires à la règle de la Doctrine de l’Eglise, comme nous avons déjà dit. S’il y avait tant de mal, les Papes dans l’Eglise et les Princes dans leurs Etats, en auraient condamné l’usage ? […] C’est peut-être aussi pourquoi les Papes les ont bannis de l’Eglise ? […] que ce serait traiter indignement la Majesté de Dieu, et diffamer la Doctrine Evangélique, si on exposait l’honneur et la pureté de son Eglise,C. prod. 65. de consec.
« lorsque les églises sont fermées ». […] J’avoue qu’il y a des jeux que l’église même ne défend absolument que durant l’office ; mais la comédie ne fut jamais de ce nombre. La discipline est constante sur ce sujet jusqu’aux derniers temps, et le Concile de Reims sur la fin du siècle passéai, au titre des fêtes, après avoir nommé au chapitre III certains jeux qu’on ne doit permettre tout au plus qu’après l’office : met ensuite, au chapitre VI, dans un rang entièrement séparé, « celui du théâtre qui souille l’honnêteté et la sainteté de l’église », comme absolument défendu dans les saints jours. […] Disons donc, que les comédies ne sont pas faites pour ceux qui savent sanctifier les fêtes dans le vrai esprit du christianisme, et assister sérieusement à l’office de l’église.
En effet, les gouvernements agirent premièrement de concert avec les saints canons, qui défendaient aux prêtres de jouer la comédie, et ensuite ils s’appliquèrent à épurer la scène, et nos souverains transférèrent les théâtres hors des églises, et ils soumirent les comédiens français à de sages règlements de police ; ils firent construire de magnifiques salles de comédie, ils créèrent des comédiens qui furent salariés et pensionnés, ils les comblèrent de bienfaits, ils en honorèrent la profession et instituèrent une administration royale pour la régir, en portant toutes ces dépenses publiques dans le budget de l’état. […] Les prêtres n’y exigent point des acteurs l’abjuration de la profession de comédien pour les faire participer aux sacrements et aux prières de l’église, et pour les admettre aux honneurs de la sépulture en terre sainte. […] Il ne faut que de la bonne foi pour saisir cette question, afin de prononcer si les acteurs de comédie, eu égard à la religion, doivent être considérés à l’égal des autres citoyens et comme ayant, aux mêmes conditions, les mêmes droits aux prières et aux honneurs de l’église. […] Il faut donc en conclure, que la cause des acteurs est enfin gagnée, tant auprès du gouvernement qu’auprès des membres du haut clergé de France, qui, se distinguant aujourd’hui par leurs lumières et leur équité, se convaincront que les comédiens et la comédie ont été transférés d’une manière honorable sur nos théâtres publics par la volonté de nos rois, par les arrêts de nos parlements, et enfin par l’approbation des souverains pontifes à Rome, chefs de l’église chrétienne, catholique, apostolique et romaine.
La malignité du siècle y trouve un autre sel ; toutes ces infamies sont sur le compte des gens d’Eglise. […] Pierre le Vénérable, Abbé de Cluni, l’a converti, il est mort dans la paix de l’Eglise. […] La représentation dans le même tems, & la même Eglise où l’on donnoit l’Oraison de quarante heures, est absurde. […] Dans la vérité, l’Oratorio se tient à l’Eglise de la Maison-Professe, la comédie se joue au Collége. […] Le public étoit étonné qu’on mît en problême ce qui jusqu’ici étoit le sentiment unanime de toute l’Eglise, sur la comédie.