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90. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre second. — Chapitre prémier. De l’éxcellence du nouveau Théâtre. » pp. 68-93

La plus-part des Auteurs Anciens & Modernes semblent avoir écrits en sa faveur. […] Je conseille aux Acteurs de ce Spectacle charmant de le faire écrire, en grosse lettres d’or, sur le rideau de leur avant scène. […] Voici les termes de ce Poète élégant & judicieux ; « Une Comédie où l’on rencontre des sentimens & des mœurs, quoi qu’elle soit sans grace, sans force & sans art, plait quelques fois d’avantage au Spectateur, & l’attache plus fortement que ces Vers magnifiques & harmonieux qui ne signifient rien5. » Je terminerai cet article par une remarque du Père Brumoy ; il semble conseiller aux Auteurs Dramatiques de ne se point donner la peine de bien écrire leurs Poèmes, parce que le Sublime du stile n’est jamais saisi aux représentations. […] Je remarquerai pourtant qu’il est nécessaire de bien écrire un Drame au risque de n’être pas entendu pendant la représentation, ainsi que je le prouverai ailleurs. […] Diderot ne dédaignerait pas non plus le genre pour lequel j’écris : « une farce éxcellente, dit-il, n’est pas l’ouvrage d’un homme ordinaire ».

91. (1574) Epître de saint Cyprien contre les bateleurs et joueurs de farces « Epître de saint Cyprien contre les bateleurs et joueurs de farces. » pp. 423-426

Tertullien a écrit de cette même matière, beaucoup plus amplement, car il décrit l’origine, et espèces de ces Jeux et Spectacles, les appareils, les prix et joyaux, et tout ce qui en dépend. […] C omme je suis grandement marri et dolent en mon cœur, lorsqu’il ne se présente aucune occasion de vous écrire (car ce m’est grande perte et dommage, de ne point parlementer avec vous) aussi n’y a-t-il rien, qui me rende plus joyeux et allègre, que quand derechef il il se présente quelque occasion. […] En quel lieu, disent-ils, sont ces choses écrites ? […] Car c’est détourner les paroles et exemples, qui nous sont proposés pour nous exhorter à la vertu Evangélique, à soutenir et défendre les vices : pour ce que ces choses-là ne sont pas écrites, afin de les aller voir ès spectacles, ains pour exciter de plus en plus nos esprits et entendements, d’être plus diligents ès choses profitables, puisque les Ethniquesl le sont tant ès choses qui ne leur apportent aucune utilité. […] Si la vérité s’étendait jusqu'à parler de tout, elle eût eu mauvaise opinion de ses fidèles : car même il est plus utile bien souvent de taire quelques choses èsp commandements, que les exprimer : et souventesfoisq ils admonestent, lorsqu’ils sont retranchés de l’écriture : et aussi encore qu’ils soient écrits, on n’en sonne mot, pource qu’en lieu des préceptes, la sévérité parler ce que l’écriture a omis.

92. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre V. De l'impudence des Jeux Scéniques. » pp. 104-134

C'est pourquoi Lucian écrit que la danse est une science de contrefaire toutes choses, un art d'imitation, qui dépeint tout par les gestes, en sorte que le Spectateur puisse entendre celui qui danse, encore qu'il ne parle point. […] Et quand les Auteurs écrivent que l'on dansait les Tragédies, il ne faut pas se persuader que les Tragédiens eux-mêmes dansassent : mais cela veut dire que ces Mimes dansaient des Episodes tirées des Poètes tragiques, ou qu'ils représentaient par la danse des sujets, dont on faisait les Tragédies, ce qu'ils nommaient les arguments des Fables, comme ce fameux Pantomime Mnester que Suétone dit avoir sauté ou dansé les Tragédies, et que plusieurs ont nommé pour cela danseur de Tragédies, c'est-à-dire Histrion ou Acteur de sujetsLucian. […] , pour périodes les jambes et les bras, et pour paroles la tête et les doigts, comme Sidonius écrit de Caramallus et de PhabatonMacrob. l. 2. […] souffert de semblables durant plusieurs années sous le nom de la Fête des Fats ou des Fous, et qui fut depuis abolie par le conseil de nos Théologiens, sur la Lettre qu'ils en écrivirent à tous les Évêques de France.

93. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre VI. Des Ariettes, & des autres parties du Chant théâtral à une seule voix. » pp. 297-328

Ainsi le Récitatif sera écrit d’un stile fort & nerveux ; les Vers en seront plutôt aléxandrins que d’une autre mesure ; il ne contiendra que des passions tragiques, & qui ont quelque chose de lent, telles que la douleur, l’incertitude, &c. […] Il faut écrire avec soin les Ariettes des Poèmes modernes. On ne s’applique point assez à écrire une Ariette ; le stile en est ordinairement trop négligé ; on y place les prémiers mots qui se présentent d’abord au bout de la plume. […] J’ai donc raison de conseiller aux Poètes du Spectacle moderne d’écrire de leur mieux les morceaux mêmes qu’ils destinent pour être mis en chant. […] » Concluons, que le Poète ne doit s’attacher qu’à bien écrire l’Ariette, sans y faire entrer des pensées trop délicates.

94. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. De la Dédicace de la Statue de Voltaire. » pp. 71-94

Ensuite se tournant vers la statue, elle adresse la parole à ce marbre insensible, qui, comme dit M. de la Harpe, dans la lettre qu’il a écrite à Voltaire, insérée dans le Mercure, Octobre 1772, Sembloit l’entendre, & s’animer à sa voix. […] Ce sont les pleurs qu’il a taris, Qui rendront le monde idolâtre De son ame & de ses écrits. […] Voltaire lui a fait du bien, cette action est louable ; mais cette aumône rendelle le monde idolâtre des écrits & de l’ame de Voltaire ? Quel rapport a son aumône avec ses écrits ? […] Tous ces écrits sont un délire, & la fête de la statue une véritable Orgie, il a raison : Habemus satentem reum.

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