Ils devinrent si peu attachés à la gloire de leur patrie, que les barbares ruinèrent l’Empire et le détruisirent avec autant de facilité que les Romains en avaient eu, dans le temps de leur grandeur, à conquérir les Etats de plusieurs souverains asiatiques, plongés dans le luxe et la mollesse. […] L’impiété qu’on y professait ouvertement fit éclore et fortifia en eux des passions fougueuses qui portèrent le trouble et la désolation dans l’Etat, et qui finirent par détruire le trône sur les débris de l’autel.
Que la contagion de cet usage s’étende, comme elle s’étendra à coup sûr6, qu’elle s’asservisse les empires et les royaumes, que les troupes mimiques (il y en a aujourd’hui dans presque toutes les villes de l’Europe) s’emparent des enfans que des parens plus féroces que les ogres voudront leur abandonner : que fera l’Etat quand il faudra compulser la partie rédondante de la population pour renforcer ses légions, et repousser les ennemis de la patrie ? […] Que des adultes, maîtres de leur sort, fixés par goût et par l’empire d’une longue habitude dans un genre de vie analogue au théâtre, se dévouent à la frivolité publique, et traînent dans les coulisses une existence presque réduite à une simple végétation ; l’Etat ne perd rien dans ce sacrifice. […] « Mais ces observations, quelque graves qu’elles soient par leur objet direct, et les effets multipliés dont elles présentent pour l’avenir le tableau le plus effrayant, n’appartiennent pas en propre au ministre d’un grand Etat. […] « Le bien des individus, la fortune, l’honneur des particuliers ne fussent-ils d’aucune considération, l’Etat ne peut voir avec indifférence les effets du théâtre sur la consistance et la durée de sa constitution. […] On a vu changer en un sol aride et brûlant des retraites ravissantes que d’antiques ormes couvroient de leurs feuillages épais ; on a vu démolir sans aucun profit réel ou même apparent pour l’Etat, d’augustes et d’imposantes ruines qu’on pouvoit appeler veterum decora alta parentum.
Nous devons nous dire que des plans parfaits ne sont pas du ressort de notre Etat imparfait. […] Si la chûte des Etats, dit un célebre EcrivainL’Abbé de Vertot. […] Que de Sujets utiles au Roi & à l’Etat, se sont coupé la gorge depuis l’établissement de ces maudits Jeux ! […] pour amuser l’indolence, l’oisiveté honteuse de quelques Sybarites, on risque la corruption & la perte, pour l’Etat, d’une foule de Citoyens ! […] Les mœurs ne sont pas seulement l’ornement d’un Etat, elles sont le gage le plus sûr du bonheur de la société, et le plus ferme appui de la puissance de ceux qui gouvernent.
Il fournit des leçons à la Morale ; enfin il participe à la politique & au gouvernement de l’Etat. […] Le faux Politique n’y voit qu’un or dont il prétend que l’Etat s’enrichit ; mais les vices que cet étranger rapporte dans sa patrie, croyez-vous qu’ils ne reflueront pas un jour sur vous, sur votre commerce, sur vos alliances, sur vos guerres ? […] L’Auteur s’y montre très-bon patriote, & fait voir comment le Spectacle peut devenir une école utile à l’État & aux bonnes mœurs**.
Ce n’étoit pas sans raison qu’elle vouloit le ménager un appui, elle disoit à la vérité n’avoir en vue que de donner des successeurs à l’État. […] Mais que ces fautes personnelles dont les Sujets ne sont pas responsables, fussent-elles vraies, ne doivent pas décider du sort de la Religion & de l’Etat. […] Jamais Pape n’a fait mourir de Rois ; l’Angleterre a fait plus de renversemens dans la Religion & dans l’Etat, en moins d’un siècle, que tous les Papes pendant mille sept cents ans. […] Si chaque Etat peut détrôner ses maîtres ? […] De quel droit la privoit-elle de ses Etats, & lui donnoit-elle un successeur pendant sa vie ?