Que n’a-t-on pas dit contre les anciens Légendaires qui par le faux merveilleux qu’ils ont répandu dans les vies des Saints, quoique par des vues bien différentes des Romanciers et des Poètes, ont jeté un air de roman sur les choses les plus certaines et les plus édifiantes, et ont contribué au funeste ravage que fait le pyrrhonisme ? […] Je m’étonne qu’aucun Poète comique n’ait fait valoir ce fonds de comédie, il eût pu tirer des folies des Dieux de fort jolies pièces, plus jolies et plus piquantes que ces pièces puériles, et mille fois ressassées jusqu’à la fadeur, où l’on chante leurs louanges. […] Y eût-il quelque Poète, amateur, ou Comédien singulier, qui eût des motifs si purs ; ce serait un prodige.
Les mœurs, les pensées, les passions, sont autant d’objets à qui le Poëte donne une ame & un corps avec la parole.
La plupart des passages des Poètes sont tels sur ce sujet, qu’on n’ose même les citer en Latin.
[NDE] Fatiste = poète, auteur de comédies.
On accoutume son cœur à tout ; on lui apprend en secret à ne rougir de rien : on le dispose à ne pas condamner, à son égard, des sentiments qu’il a excusés et peut-être loués dans les autres ; enfin on ne voit plus rien de honteux dans les passions, dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du poète, et mêlées à dessein avec les vertus dans des personnes que la scène nous présente comme des héros.
Enfin on ne voit plus rien de honteux, dans les passions dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le Théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du Poète, et qu’elles ont été unies à dessein avec les vertus et le mérite dans des personnes que la Scène nous représente comme des Héros.
On ne dira pas cette fois que c’est un Homme peu instruit, un Dévot imbécille, un Poëte mécontent du Public, un Vieillard sans ame & sans prétentions, qui renonce au Théâtre.
La religion de cette femme n’est point un titre dans l’idée du Poëte ; Pulcherie tient le même langage, malgré qu’on la peint vertueuse, & qu’elle est chrétienne, elle ne respire que la vengeance, s’obstine à la mort de Phocas1.
Malheureusement les Poètes ont pris un autre chemin, qui sans contredit s’éloigne infiniment du but de la farce, et qui cependant réussit quelquefois, parce qu’ordinairement leurs Pièces sont pleines de traits de médisance sous le nom de critique ; Et par la raison que la passion d’amour la plus irrégulière plaît sur le Théâtre aux Spectateurs corrompus, de même la médisance ou la satyre y et applaudie et y fait rire, à cause de la méchanceté du cœur humain qui n’aime que trop à entendre déchirer son prochain.
Les jeux Mégaliens où l’on représentait des comédies, comme il paraît dans Térence, étaient consacrés à Cybèle, que les poètes nomment la grand-mère des dieux, et en grec Μεγάλη.
» Telles étaient les leçons de ce grand Poète, quand, éclairé par la Vérité, il n’écouta plus que la Religion, cette Philosophie sublime qui apprend à l’homme ce qu’il est, et qui seule le rend ce qu’il doit être. […] Gresset, ce Poète plein de grâces et de goût, a publiquement manifesté son repentir, des succès qu’il a obtenus en parcourant la carrière du Théâtre. […] Ajoutez que le Poète, pour faire parler chacun selon son caractère, est forcé de mettre dans la bouche des méchants, leurs maximes et leurs principes, revêtus de tout l’éclat des beaux vers, et débités d’un ton imposant et sententieux, pour l’instruction du parterre. » « Si, dans la Comédie, on rapproche le ton de Théâtre à celui du monde, on ne corrige point, pour cela les mœurs ; le plaisir même du comique étant fondé sur un vice du cœur humain, c’est une suite de ce principe, que plus la Comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste aux mœurs.
Et après cette clémence, plus que divine, comme l’auteur, par une autre contradiction, le montre lui-même dans son Festin de Pierre, où Dieu engloutit un méchant, recommandée dans le Misantrope envers les agents de tous les désordres de la société, des plus grands maux qui accablent les hommes ; si vous vous rappelez les coups sensibles et redoublés qui ont été portés aux femmes les plus innocentes des malheurs du monde ; si vous réfléchissez à l’extrême rigueur avec laquelle ont été punies par le même auteur dans deux autres pièces fameuses des fautes de grammaire, ou des ridicules, quelques travers à l’égard desquels ses préceptes d’indulgence étaient excellents et obligés ; si vous remarquez encore qu’après avoir ridiculisé les délassements et les plaisirs honnêtes des sociétés les plus décentes de son temps, et avoir renvoyé durement à leurs aiguilles et à leur pot au feu des femmes plus opulentes et plus distinguées que la Dlle de Sotenville, personnage de l’Ecole des Femmes, il donne pour exemple cette dernière qui a des goûts et tient une conduite tout-à-fait opposés à celle qu’il prescrit aux autres ; car c’est bien la proposer de fait pour exemple contraire que de la rendre le personnage aimable de la pièce, et de lui donner raison, la faire applaudir en public lorsqu’elle rejète les remontrances de son époux, qui lui rappelle des préceptes appropriés à celui des aiguilles et du pot au feu, et refuse de se consacrer à son ménage et à sa famille, en déclarant qu’elle ne veut pas s’enterrer, qu’elle n’entend pas renoncer aux plaisirs du monde, qu’elle se moque de ce que disent les maris, qu’elle veut jouir indépendamment d’eux des beaux jours de sa jeunesse, s’entendre dire des douceurs, en un mot voir le monde ; tel est le langage de la maîtresse de cette école (Ariste que Molière rend exemplaire aussi dans l’École des maris est parfaitement de l’avis de donner toutes ces libertés aux femmes ; elles en ont bien joui depuis ces inspirations ; quand on les leur a refusées, elles les ont prises) ; si on fait ces rapprochements ou remarques, dis-je, sans prévention, il est impossible, à la vue de tant de contradictions incontestables et de cette variation de principes et de conduite de ce fameux poète comique, de ne pas soupçonner au moins que son désir d’améliorer les mœurs était aveuglé et dirigé par une verve impérieuse et désordonnée qui le portait à appréhender et fronder à tort et à travers telles classes, telles professions et réunions, ou telles personnes, et de faire rire le public à leurs dépens, et au profit de sa manie et de sa renommée. […] Celle dont notre poète s’est moqué particulièrement, qui se réunissait à l’hôtel de Rambouillet, était composée des femmes les plus recommandables par leur rang et leurs vertus, dont un sage, dont Fléchier a fait le plus bel éloge, dont les mœurs en effet étaient les plus édifiantes. […] La plus forte preuve qu’une verve irrésistible entraînait notre premier poète comique, et ne lui laissait pas toute liberté de réflexion et de jugement, c’est qu’il n’a pas pu s’apercevoir, avant de composer la comédie du Misantrope, qu’il donnait personnellement le plus sensible exemple de misantropie ; qu’il avait lui-même le caractère qu’il allait jouer, qu’Alceste suivait ses traces, et ne les suivait même que de loin.
La critique & le mauvais succès de quelques pieces, auxquelles il fut toujours fort sensible, les maniéres desobligeantes des acteurs, l’ont souvent mis de mauvaise humeur, & lui ont fait lancer des sarcasmes qu’il a cru de bons mots ; mais un historien est plus croyable qu’un poëte. […] Voltaire, tout poëte dramatique qu’il est, est encore plus partisan du Déisme, que du théatre ; mais dira-t-on, Voltaire se joue de tout, il dit au hasard le pour & le contre ; ses erreurs sont innombrables, ce qu’il dit sur le théatre n’est pas d’un plus grand poids que le reste. […] Cependant Voltaire est croyable, il est grand poëte, critique, historien, philosophe, &c.
Si la Pièce est sage, instructive, comme le Misanthrope, le Menteur &c. en elle-même, elle doit corriger, épurer les mœurs : Si l’Acteur, si l’Actrice ont un autre but que de seconder le but du Drame ; si l’envie de plaire, de séduire leur fait chercher à réveiller dans les sens une volupté dangereuse ; si leur conduite expose à la dérision les maximes que le Poète met dans leur bouche, c’est alors l’Histrionisme qui devient contraire aux mœurs ; c’est lui qui ne peut manquer de vicier & d’anéantir l’effet naturel qui devait suivre le Drame ; non que ce soit un inconvénient réel, que la plupart des Spectateurs se trouvent attirés aux représentations dramatiques par le plaisir que donne le jeu de tel Acteur ou de telle Actrice ; cet attrait non-seulement augmente leur nombre, mais contribue infiniment à leur faire goûter la morale & les leçons : cependant s’il est nécessaire que l’attente ne soit pas trompée, & qu’on trouve ce genre de plaisir à nos Théâtres, il est clair en même-temps qu’une Pièce est bien imparfaite, & loin du but où doit tendre la bonne Comédie, lorsque son Auteur, sacrifiant le principal à l’accessoire, n’a cherché qu’à donner le plaisir résultant de la Représentation : la Pièce est dangereuse, lorsqu’elle nous divertit par des scélératesses* dans le Drame ; elle est inadmissible, lorsqu’elle ne plaît que par la volupté qu’y réveillent à chaque mot les mines provoquantes de l’Actrice, ou le jeu libre & sémillant de l’Acteur. […] [Cependant ce même Cicéron appèle ailleurs les Dramatiques, les Poètes amis de l’innocence ].
Elle est bien pardonnable au transport d’un poëte & d’un amant, & d’ailleurs les sentimens de l’auteur sont généralement connus.
Ces saillies dégoûtantes font voir la stérilité, la bassesse, le mauvais goût du poëte, qui a besoin de quelques syllabes pour faire son vers, & qui, faisant, pour ainsi dire, flèche de tout bois, emploie la cheville qu’il trouve, qui lui est familiere & à la mauvaise compagnie qu’il fréquente.
Ceux qui avaient espéré de lui trouver des approbations, ont pu voir que la clameur qui s’est élevée contre la dissertation, et par la censure qu’elle a attirée à ceux qui ont avoué qu’ils en avaient suivi quelques sentiments, combien l’église est éloignée de les supporter : et c’est encore une preuve contre cette scandaleuse dissertation, qu’encore qu’on l’attribue à un théologien, on ne lui ait pu donner des théologiens, mais de seuls poètes comiques pour approbateurs, ni la faire paraître autrement qu’à la tête, et à la faveur des comédies.
Sur quoi quelque malin supposant que le Poëte canonisé tout vis avoit obtenu la permission de la remettre au théatre, voici l’annonce qui courut les rues en attendant la représentation. […] Au reste Semiramis est une grande Reine, le Roi des Parthes un grand Roi : un grand Poëte en est l’auteur.
Le Poëte ne connoît pas mieux les coutumes des Religieuses dont il a voulu le rapprocher. […] à faire entendre que toutes les Religieuses sont enfermées dans un couvent malgré elles, forcées par les passions, séduites par les Religieuses, trompées par les Prêtres, gémissant accablées sous le joug, sur-tour (car c’est là le grand vœu du libertinage), ne pouvant garder la continence : tant le Poëte (je ne sais s’il le sait par expérience) est persuadé qu’on ne peut se passer de volupté, & que personne ne peut se défendre de l’impérieux vœu de la nature.
Ce fameux Poëte en prévoit le prompt effet & les funestes suites : Jam tunc & incestos amores de tenero meditatur unque. […] Le jeune Poëte croit en faire l’éloge ; la sagesse en conclud sa condamnation ; la parole de Dieu en est le garant : Cum saltatrice ne assiduus sis, ne pereas in efficucia illius, virginem ne conspicias, ne scandaliseris in decore illius, propter speciem mulieris multi pereunt.
Tout bien cherché et recherché, je n’en ai pu apprendre aucune nouvelle, et de ton dire n’ai su tirer autre conclusion sinon que tu es un forgeron de foudre semblable au vieux cyclope des poètes. […] [NDE] Helius Eobanus Hessus (1488-1540) poète néolatin qui rallie la Réforme.
Une Action qui terrible par elle-même, est conduite par le Poëte avec une telle vivacité, que la seule lecture de sa Piéce nous entretient dans une continuelle émotion.
Alcibiade fit publier dans Athènes une Ordonnance vers l’an du Monde 3647. avant J.C. 407. qui défendit à tous Poètes de nommer les personnes dans leurs pièces comiques.
Je crois donc que généralement parlant, on doit attribuer le silence des Auteurs profanes et leur retenue criminelle à ne point déclamer contre les infamies des Spectacles, à la crainte qu’ils avaient de passer pour impies, s’ils invectivaient contre des pratiques, qui, quelque honteuses qu’elles fussent, entraient dans le culte de l’idolâtrie populaire : car je ne vois pas quelle autre raison a pu empêcher tant d’Auteurs et tant de Poètes qui ont si souvent déclamé contre la corruption des mœurs, de déclamer encore plus fortement contre ces infamies. […] Nous direz-vous que les crimes dont il est parlé dans Sénèque, Plaute, Térence ou autres Poètes, se commissent effectivement sur le Théâtre ; Saint Cyprien nous en désabusera dans sa Lettre à Donat, où il dit en parlant des Tragédies, qu’on y représentait des crimes qui avaient été commis autrefois et que par là on en éternisait la mémoire. « Ne saeculis transeuntibus exolescat quod aliquando commissum est. […] C’est pour cette raison que je ne dirai rien de tout ce que je pourrais trouver de malin dans les Pièces de Molière ; il me suffit de faire remarquer que ce Poète moderne a si bien réussi à imiter Plaute, que quiconque blâmera les libertés qui se trouvent dans cet Ancien, ne pourra pas justifier celles dont les Pièces de ce Moderne sont remplies. […] Pour peu qu’on ait d’expérience du monde, on ne sait que trop que je n’avance rien de faux ; mais si vous avez de la peine à m’en croire, peut-être ajouterez-vous plus de foi aux Vers d’un Poète du siècle, illustre par ses Satyres. Quelque instruit que je sois de toutes ces choses, vous croyez sans doute, et je le crois aussi, que ce Poète le doit être mieux que moi ; lisez ce qu’il dit page 6, de la dernière Satyre qu’il vient de donner au Public sur les défauts des femmes, vous verrez qu’on ne peut pas mieux confirmer tout ce que je viens de dire.
On y voit pourtant toujours le fonds de la censure du vice, & il en est plusieurs qu’on peut mettre vis-à-vis de la plus modeste comédie du théatre moderne, & l’on verra, à notre honte, combien le Poëte Payen l’emporte sur nous. […] Le Poëte, au lieu d’en rougir, s’en applaudit, en est admiré, & enfin les coupables sont heureux, au lieu d’en être punis ; d’où l’on conclud que ce n’est point un mal, mais une persécution, & qu’on peut en espérer la récompense, comme d’une vertu persécutée.
C’est un recueil de contes dans le goût de Boccace, partagé en journées, dans lequel la Fontaine a pris plusieurs des siens qu’il a mis en vers, et quelques Poètes dramatiques des sujets de farce, mais qui la plupart plus dignes d’une Comédienne que d’une grande Princesse, ne font pas l’éloge de sa modestie. […] Cette idée comique fournirait la matière d’une jolie pièce sous le titre du Comédien Gentilhomme ou de la Comédienne Demoiselle Les divers rapports de l’Etat avec les différents rôles de Princesse, de Soubrette, de Colas, de Pierrot, de Poète, de Scaramouche, etc., feraient naître plus d’incidents et plus amusants que le Bourgeois Gentilhomme de Molière.
Dans ses Mémoires sur la Mothe-Houdart, il rapporte ce trait pris du discours de ce Poète sur la tragédie de Romulus donnée en 1722. « Les tragédies ne peuvent pas être d'un grand fruit pour les mœurs, quoique la partie du théâtre la plus sévère. […] Boursaut, dans sa lettre à l'Archevêque de Paris, fait un raisonnement de Poète comique, pour prouver les grands fruits de la comédie, c'est qu'elle représente « des sottises et des crimes.
Le vice, déguisé, justifié, ennobli par le Poète, agissant, embelli, applaudi dans l'Acteur, contemplé, goûté par le spectateur, se fait jour, se lie, s'établit dans un cœur déjà trop susceptible, et qui venant au spectacle, lui ouvre toutes les avenues. […] L'exemple séduit, lors même qu'on ne le cherche pas, fût-il dans des personnes peu estimées et avec tout le hideux de l'injustice et de la débauche ; quelle doit être sa contagion lorsqu'il l'étale avec toutes les grâces dont le Poète a paré le rôle, et l'Actrice a paré le modèle !
Les grands Guerriers, les grands Poètes, les grands Peintres semblent coûter beaucoup à la Nature.
Une dispute très vive s’éleva entre cet excellent Poète et la société qui avait formé son esprit et ses talents.
à cet égard, les poètes dramatiques n’ont-ils pas à se faire le même reproche ?
Au contraire Anacreon, ce Poëte galant, ce grand maître du vice, demandoit qu’on lui jettât abondamment des parfums sur l’estomac, parce que de là l’odeur iroit plus directement au cœur, & y parviendroit plus vite pour échauffer sa passion : Advola, & unguentis mihi pectus irriga, ut cor citius obtineat. […] Le Poëte Prudence voulant peindre l’incontinence, lui donne pour ses armes, non le casque & l’épée, mais les fleurs & les parfums.
Blin de Sainmore, quoique poëte dramatique, n’a pu voir sans attendrissement des jeunes filles plaider contre leur Seigneur pour défendre la récompense de leur sagesse & de leur vertu. Ce poëte, qui s’est fait un nom, s’est chargé de porter au pieds du trône les plaintes des Salenciennes, & d’adresser en leur nom une Requête en vers à la Reine.
Son frere le poëte le livre sans façon à la scène. […] la Rue, jésuite, célebre prédicateur & bon poëte, a eu pour le théatre dans sa jeunesse un goût plus décidé qu’il ne convenoit à son état.
Ressource bannale aussi absurde que fausse d’un poëte qui ne sait comment se tirer d’affaire ; c’est moins le dénouement de la piece que celui du poëte.
Le désordre doit assurément être bien commun pour avoir fourni la matiere d’un poëme, & frappé jusqu’à un Poëte comique, qui sans crainte d’être démenti, ose dire dans toute la piece que la bonne intelligence des époux passe dans le monde pour un prodige & est un ridicule. […] Tout cela n’a pas besoin de commentaire, & l’on croit bien que Madame de Montespan n’en fit pas un procès au Poëte.
Les personnages du prologue sont la Parade, ce sont les farces licentieuses de Vadé, la Gravelure, mot nouveau, c’est-à-dire discours obscène ; la fausse Décence, c’est-à-dire l’hypocrisie de la chasteté, qui se donne toute sorte de licence sous des dehors décens ; enfin le Poëte la Fontaine, qui se moque de la décence, comme en effet il s’en est joué dans ses Contes. […] Ce n’est pas même le dessein ni de l’Auteur ni du Poëte de rendre l’incontinence honteuse, mais d’en ridiculiser quelques circonstances, l’âge, les moyens, la laideur, l’excès, ce qui laisse subsister tout le fonds, & le rend agréable, pourvu qu’on en écarte ces légères taches.
Personne n’eut plus de part à sa faveur qu’un Poëte dont l’imagination féconde en inventoit de nouvelles, & les varioit à l’infini. […] La facilité invite le Poëte, la coutume enchaîne le public, le vice entraîne l’Acteur & le spectateur.
Languet, Archevêque de Sens, disoit à M. la Chaussée, Poëte très-décent, dont on a trop méprisé les idées, lors de sa réception à l’Académie : Je puis donner, non aux spectacles, que je ne puis approuver, mais à des pieces aussi sages que les vôtres, une certaine mesure de louanges. […] Mais cet abus est rare, & aucune réforme n’empêchera qu’il ne se trouve une Actrice assez vaine pour avoir cette estime d’elle-même, & un Poëte assez rampant ou assez épris de ses charmes pour en faire sa Muse.
Cette loi leur est commune avec tous les autres pécheurs publics ou excommuniés ; mais il a fallu des lois particulières pour les Comédiens, parce qu’ils ont la mauvaise foi de ne vouloir pas convenir du crime de leur état, quoiqu’il soit plus notoirement et plus dangereusement criminel que les autres : « Noluit intelligere ut bene ageret. » La femme du Poète Quinault eut cette délicatesse. […] « Ce Poète se convertit à la fin de sa vie , dit l’Abbé d’Olivet, l’idée de Lully, mort l’année précédente sans beaucoup de préparation (c’est-à-dire subitement et fort mal), l’avait frappé ; il en profita, et marqua du regret d’avoir empoisonné l’Opéra par une morale efféminée. » Il avait même quitté l’Opéra deux ans auparavant, malgré les instances de Lully, et les quatre mille livres par pièce qu’il lui donnait et qu’il offrait d’augmenter.
Il blâme un Religieux qui s’appliquait à la lecture des Poètes Païens. […] Il ne fait pas plus de grâce au style des Poètes dramatiques.
plût à Dieu, mes Frères, que ce Spectacle s’offrît à vos yeux, au lieu de celui que vous allez chercher, et que le Dieu terrible et vivant vous convainquît par cette image de sa justice, combien il sera redoutable envers les amateurs des Théâtres, et les Poètes qui contribuent à les entretenir. […] Qu’y a-t-il en général de plus ardent que les Poètes contre la Religion et contre ses dogmes ; c’est-à-dire, ces personnages qui composent des Tragédies ou des Comédies, et qui n’ont pour l’ordinaire qu’une brillante imagination en partage ?