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52. (1733) Dictionnaire des cas de conscience « Jugement sur la Comédie du Festin de Pierre. CAS II. » pp. 805806-812

y a-t-il rien qu’une vue si dangereuse ne puisse émouvoir ; les sens, les passions, la vertu même des plus forts s’y trouvent ébranlées, et souvent renversées ? […] n’est-ce pas là que s’allume une passion que la vue et les regards enflamment de plus en plus ; car chacun y voit de quoi il est capable, chacun approuve et désire de faire ce qu’il voit devant ses yeux, il n’y a personne qui ne sorte de là tout en feu ; je n’en excepte ni les enfants à qui on ne devrait pas donner ces leçons prématurées, ni les vieillards, que la seule bienséance devrait détourner de semblables désordres.

53. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Douzième Lettre. De madame d’Alzan. » pp. 250-253

qu’il est facile de plaire, lorsqu’on est vue pour la première fois !

54. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 3 « Chapitre VII. Est-il de la bonne politique de favoriser le Théâtre ? » pp. 109-129

Ce témoignage dit tout : un Prince du sang, qui connaissait si bien le monde et ses dangers, l’Etat et ses intérêts, la politique et ses maximes, la religion et ses lois, dont on ne peut ni suspecter les vues, ni soupçonner la vertu, ni méconnaître les lumières, ni révoquer en doute la prudence, à quel titre serait-il récusable ? […] Toute sorte de bouffonnerie est interdite, encore même ne se fiant pas à leurs promesses, il ne laisse représenter aucune pièce qui n’ait été vue et approuvée par le Magistrat : « Nous serions des insensés, dit-il, de faire enseigner à nos femmes, à nos enfants, à nos concitoyens, rienr de contraire à notre religion, à nos lois, à nos mœurs, et détruire tout ce que nous nous efforçons d’établir. » L’Etat est intéressé, dit-on, à entretenir la comédie, pour amuser le peuple, ou naturellement remuant, ou désespéré par sa misère, ou aigri par la dureté des impôts. […] Jules-César avait le génie trop élevé pour s’amuser de bagatelles théâtrales, non par religion et par vertu, il ne fut jamais un modèle de sainteté, mais par grandeur d’âme, étendue d’esprit, vues profondes de politique ; il en méprisait jusqu’à la partie littéraire, il ne trouvait point dans les meilleures pièces connues de son temps, qu’on donne pour des chef-d’œuvres, le degré de perfection du bon comique, qu’il appelait vis comica, qui en effet est très rare, et qu’on ne trouve que très peu même dans Molière, malgré tout l’encens que brûlent sur ses autels ses vicieux adorateurs. […] Peu de gens se conduisent par la raison, et agissent par de bonnes vues ; on regarde la volupté comme le souverain bonheur.

55. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — QUATRIEME PARTIE. — Tragédies à corriger. » pp. 180-233

Les Modernes pourraient critiquer l’Auteur de la Tragédie de Géta ; parce que ce Prince, ainsi que Justine sa maîtresse, sont représentés trop vertueux, sans donner lieu à la compassion des Spectateurs de s’affaiblir par la vue de quelque défaut, suivant qu’ils soutiennent que les Anciens ont fait : je pense, pour moi, que les Anciens n’ont jamais songé à diminuer la compassion des Spectateurs ; car ce serait avoir entrepris de faire violence à la nature, chose qu’on ne peut leur reprocher. […] Œdipe est puni du crime qu’il a commis, quoiqu’aveuglé par l’ignorance ; Oreste tue sa mere par l’ordre de l’Oracle, et il est poursuivi par les Furies, en punition de son crime ; Hyppolite, chaste et vertueux, meurt par la vengeance du Dieu qui le persécute, etc. cela devait arriver, disaient les Anciens : et, encore une fois, ce n’était que l’ordre du Destin qu’ils avaient en vue. […] Je ne puis juger de la Tragédie de Médée, de M. de Longepierre, que par l’impression qu’elle m’a faite à la lecture, ne l’ayant jamais vue représentée : mais, si une longue expérience peut procurer cette sorte d’avantage ; j’ose dire que, par rapport à moi, la lecture ne diffère guère de la représentation. Créon peut-être déterminé par des vues d’intérêt et de politique à s’attacher Jason, en lui faisant épouser sa fille, ce qui l’oblige à répudier Médée ; mais, dans tous les temps et dans tous les pays, le spectacle d’une fille qui se détermine à épouser un homme marié, et cela plutôt par passion, que par devoir, ne peut être que d’un très mauvais exemple, et doit révolter les Spectateurs.

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