Ces ouvrages parlent fort peu du théatre, les plaisirs qu’on y goûte sont trop vifs, les passions qu’on y excite sont trop violentes, l’attention qu’il exige trop soutenue pour être du goût de la volupté paresseuse, dans laquelle il languissoit ; mais il rapporte deux fêtes théatrales qui furent données aux Princes avec le plus grand éclat : l’une à Anet par le Duc de Vendôme, l’autre à Chantilli par le Prince de Condé, qu’avoient imaginé & dont firent les honneurs & la joie trois hommes faits l’un pour l’autre : le grand Prieur de Vendôme, pieux Chevalier de Malthe, le dévot Abbé de Chaulieu & le sage Marquis de la Fare. […] Le Maréchal de Brezé, père de la Princesse & Henri de Condé son beau-père s’étoient signalés dans cette guerre, & avoient recueilli autant de myrrhe que de lauriers ; ils s’étoient tous deux retirés de la Cour pour passer dans la volupté le reste de leurs jours ; l’un dans sa terre de Missi en Anjou, l’autre dans la ville de Bourges, capitale de son gouvernement de Berri.
Sa conversation étoit agréable, libre, aisée : il parloit par-tout de volupté en homme qui en est épris, & qui ne respecte rien. […] La licence de ses écrits, sa morale épicurienne souilloit une vie qui ne suivoit de religion que la volupté ; des mœurs qui ne connoissoient point de décence lui ouvrirent les cœurs des libertins, & lui donnèrent encore des lecteurs, des admirateurs, des proselytes qui se font gloire de l’imiter, & meritent de l’obtenir ; mais lui fermerent la porte de l’Académie Françoise, où il eut la présomption de solliciter une place.
En effet de même qu’il y a une convoitise des richesses, des honneurs, de la bonne chère, des voluptés charnelles, il y en a aussi une des plaisirs. […] Les philosophes n’ont donné le nom de plaisir, ou de volupté, qu’au repos, et à la tranquillité de l’âme : c’est cette tranquillité qu’ils regardent comme le fondement de leur joie, de leurs divertissements, et de leur gloire.
Mais je ne crois pas qu’il y ait des gens si abandonnés à leurs plaisirs, que dans les délibérations ils n’aient en vue autre chose que la volupté ; il faut nécessairement qu’il y ait toujours quelque autre motif qui précède, savoir celui de l’honneur des Dieux en ce qui regarde les Jeux ; et à l’égard du Théâtre, celui de l’utilité que produit le relâche du travail ; ce qui serait désagréable et incommode au peuple à cause de la presse, s’il n’y avait point de Théâtre. » « Nous y ajoutons aussi le motif de la Religion, en disant que le Théâtre est comme une espèce de Temple, où l’on rend aux Dieux ces honneurs sacrés« Et nihilominus eadem illa religio, cum Theatrum veluti quoddam illius sacri templum vocabimus. » », c’est-à-dire, où l’on fait des Jeux à l’honneur des Dieux. […] Que les combats de la prose, et de la poésie servaient d’aiguillon aux beaux esprits ; et qu’un juge ne perdrait rien de sa gravité pour donner quelques heures de récréation aux voluptés honnêtes et permises. […] , combien cette joie est honteuse si l’on y fait attention : et comme ceux-là sont infâmes qui ne la sauraient couvrir dans la jouissance des plaisirs et des voluptés. […] Et il n’y a point de Comédie qui soit exempte de ces vices, et la volupté n’y a point de bornes.